2.4.8.3. D'autres types de régulateurs

La catégorie s'est élargie à d'autres formes de régulateurs que les contributions du type "oui", "ok", "hum", "bien sûr", etc. Sont ainsi intégrés des cas de répétitions, de reformulations, de complétions et des métaquestions qui manifestent l'écoute et ont pour rôle effectivement d'engager le locuteur à poursuivre son discours. Le tableau ci-après (extrait de M. Laforest, 1992) reproduit les définitions de M. Laforest 103 accordées à ces nouvelles formes de régulateurs :

Tableau 11 : Les nouvelles catégories de régulateurs
Métaquestion Question sans contenu, dont la référence tient entièrement dans la contribution précédente. Ne fait pas progresser l'interaction sur le plan informatif. C'est le ton interrogatif –et non la forme grammaticale- qui la distingue comme question. Prototype : "Ah oui".
Répétition- écho Répétition partielle des derniers mots prononcés par le locuteur précédent. Fonction identique à celle des métaquestions (ton généralement aussi interrogatif).
Complétion Contribution qui complète en quelques mots la contribution précédente, généralement à la faveur d'une hésitation du locuteur. Celui qui émet la complétion ne garde pas la parole.
Reformulation Redite en d'autres mots de la fin de la contribution précédente.

Ces différents types de phénomènes contribuent à complexifier cette classe constituée d'éléments de nature très hétérogène. Dans ce cadre, ce sont plus leurs aspects fonctionnels que formels qui permettent de les caractériser, ce que M. Laforest exprime comme suit :

"Les caractéristiques communes de ces contributions hétérogènes résident plutôt dans leur fonction de gestion de l'interaction" 104 .

M.-M. De Gaulmyn 105 , quant à elle, propose quatre types de régulateurs qu'on retrouve certaines des catégories de M. Laforest exposées ci-dessus :

  • Le récepteur enregistre l'énonciation et / ou l'énoncé du locuteur par un "oui", "d'accord" (…) commutable avec "hum".
  • Le récepteur évalue positivement l'énoncé du locuteur par un "c'est vrai", "c'est juste", (…) un "oui" nettement articulé.
  • Le récepteur répète en écho un segment de l'énoncé du locuteur.
  • Le récepteur collabore à l'énoncé en cours du locuteur et propose un segment d'énoncé en anticipant sur le mot que le locuteur va prononcer ou qu'il risque de chercher.
  • Catégoriser ces régulateurs d'écoute dans notre corpus nous semble au premier regard une tâche difficile à réaliser. Cela est dû, d'une part, au type de discours qui met un seul locuteur face à un groupe de personnes, donc ce n'est pas fondamentalement un dialogue ou un polylogue. D'autre part, il nous a été difficile, dans notre transcription du corpus, de relever les interventions des touristes car le seul microphone que nous possédions était rattaché au guide ce qui rendait souvent incompréhensibles les paroles des touristes. Malgré ces obstacles, nous avons pourtant relevé deux particules qui se répètent souvent dans le corpus, à savoir ouais et mum, traditionnellement reconnues comme des phénomènes de régulation.

    J.-M. Adam 106 propose de classer les marqueurs d’intégration linéaire, appelés également "les organisateurs énumératifs" en 3 catégories

    Étant donné que le discours du guide est en grande partie un discours descriptif qui contient beaucoup de séquences qui décrivent des paysages, des sites archéologiques ou des objets, essentiellement dans les visites guidées ou même dans le discours pendant le trajet dans le car ; nous relevons beaucoup d’organisateurs spatiaux tels que, (au nord, au sud, à gauche, en bas, en face, partout, loin, à côté, etc.). La description de lieux impliquent donc des relations spatiales entre les objets constituant ces lieux.

    Les organisateurs "il y a" et "c’est" peuvent avoir la même valeur d’énumération. Ils soulignent l’enchaînement et l’empaquetage des propositions 107 (nous relevons par exemple 15 occurrences d’"Il y a" et 32 occurrences de "c’est" dans le même discours d’accueil du guide Moh'd). "C’est" peut avoir plusieurs valeurs différentes : reformulative et énumérative et présentatif. Le guide introduit également certaines informations par "il y a" pour les mettre en évidence.

    Pour conclure, l'hypothèse essentielle, sous-jacente à cette étude, implique le fait que ces "petits mots" sont nécessaires à l'interaction pour qu'elle réussisse. En assurant l'écoute, ils s'avèrent essentiels à une bonne gestion, par les partenaires, de leur participation à l'interaction. Ils entrent en jeu dans la part d'implication plus ou moins grande que manifestent ces derniers tant en position "locutive" qu'"allocutive". Leur présence influent, selon nous, sur l'évolution du sens précisément co-construit.

    Notes
    103.

    Laforest M. (1992): Le back-chantel en situation d'entrevue, Québec CIRAL, Recherches sociolinguistiques / 2. P. 67-70.

    104.

    Laforest M. (1992) : idem, P. 98.

    105.

    De Gaulmyn M.-M. (1987): idem, P. 207

    106.

    Adam J.-M. (1990): Éléments de linguistique textuelle. P. 168.

    107.

    Adam J.-M. (1990): idem, P. 168.