2.5.2. Les unités constituantes des interactions
Ce premier point concerne les unités inhérentes aux interactions : les différentes sous-parties de l'interaction globale. Ces unités ont été mises en évidence et décrites par les tenants de l'analyse interactionnelle. Leur existence illustre le fait que l'interaction n'est pas un tout homogène. On ne peut l'analyser finement que si l'on accepte de considérer qu'elle peut, à tout moment, se modifier sous l'influence de divers facteurs.
Diverses classifications ont été établies. Selon les écoles, on comptabilise 4 unités (E. Roulet 1985), 5 unités (C. Kerbrat-Orecchioni, 1990), ou encore 6 unités (R. Vion, 1992). Nous allons exposer, succinctement, la classification qui compte le plus d'unités. Bien que ces dernières ne se recoupent pas toujours entre elles chez les divers auteurs, le principe qui prévaut à leurs définitions dans chacun des classements est similaire. C'est lui qui nous intéresse ici plus que le choix d'un nombre déterminé d'unités. Les 6 unités, dégagées par Vion, se répartissent de la façon suivante. On trouve, dans un ordre décroissant, l'interaction, le module, la séquence, l'échange, l'intervention et l'acte de parole.
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L'interaction correspond à la mise en place d'un "cadre interactif" global spécifique, caractérisé par un rapport de place dominant particulier. Si l'on a affaire à une consultation médicale par exemple, le cadre interactif consiste en un rapport de place dominant qui pose un médecin face à son patient.
- Dans l'interaction en question, d'autres rapports de place "dominés" peuvent prendre naissance et donner lieu à des moments notamment de conversation, que l'on qualifie alors de modules conversationnels. L'interaction est la même tant qu'un rapport dominé ne prend pas la place du rapport jusque là dominant, et / ou jusqu'à ce qu'un nouveau rapport dominant s'établisse. On peut donc trouver plusieurs modules subordonnés à l'interaction, c'est-à-dire subordonnés au rapport de place dominant. Selon R. Vion, les modules de conversation ne peuvent être complètement analogues aux interactions conversationnelles. Il propose ainsi de considérer l'interaction dans le cadre d'une conception modulaire (terme utilisé dans un sens différent de celui qui réfère, habituellement, à la conception modulaire chez Roulet): "Chaque interaction peut se présenter comme un ensemble, à la fois simultané et successif, de modules correspondant à des types déterminés"
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- La troisième unité retenue est la séquence qui se révèle l'unité la plues délicate à repérer. En effet, on peut l'envisager de deux points de vue: l'un relève de son aspect fonctionnel et l'autre de son aspect thématique. Dans le cadre fonctionnel, la séquence consiste en un moment de l'interaction qui comporte un même objectif. Les séquences d'ouverture ou de clôture, qui comportent l'avantage d'être très facilement identifiables en tant que telles, ont fait l’objet de nombreuses investigations de la part des interactionnistes. D'un autre côté, le repérage de la séquence peut se fonder sur l'aspect thématique. En tant qu'unité thématique, (centration sur un même thème), cette délimitation de la séquence s'avère relativement difficile à effectuer par rapport à une identification fondée sur une base fonctionnelle. En fait, le recours aux deux critères, fonctionnel et thématique, peut permettre une meilleure définition. La séquence renvoie en outre à la notion de tâche discursive et donc aux "types de discours".
- Dans une séquence d'ouverture, on distingue ensuite plusieurs types d'échanges possibles, parmi lesquels les échanges rituels (du type échange de salutations) sont les plus connus. L'échange constitue la plus petite unité dialogale
- L'échange se compose lui-même d'interventions (plus grande unité monologale). Un certain nombre de difficultés apparaissent lorsqu'il s'agit de définir l'échange. Combien doit-il comporter d'intervention, par exemple ? Les questions de tours de parole renvoient aussi à la problématique de l'intervention.
- La dernière unité constitutive des interactions est l'acte de parole, conçu comme l'unité minimale de la grammaire conversationnelle.
Une interaction est "‘une action qui affecte (altère ou maintient) les relations de soi et d'autrui dans la communication en face à face’"
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. C. Kerbrat-Orecchioni
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situe la relation entre les différents partenaires dans une interaction sur un axe de la relation horizontale qui varie entre la distance d'un côté et la familiarité et l'intimité de l'autre côté. Cette relation repose sur des caractéristiques externes et internes de l'interaction. Les données externes sont déterminées à l'ouverture de l'interaction et recouvre le cadre dans lequel se déroule l'interaction, la présence des personnes possédant des propriétés particulières et le type de liens socio-affectifs instaurés entre les participants. Quant aux données internes, l'auteur renvoie aux événements et aux signes (verbaux, paraverbaux et non verbaux) qui auront lieu au sein de l'interaction. Nous nous intéressons ici aux marqueurs verbaux (appelés également "relationèmes" par C. Kerbrat-Orecchioni), qui déterminent la relation entre les participants.
Les aspects qui relèvent du niveau interactionnel sont nombreux, mais certains d'entre eux surtout ont fait l'objet d'étude approfondie dans ce type de discours. Nous envisagerons donc successivement les marqueurs suivants:
- les formules d'adresse
- les salutations
- les formules de politesse
- les passages conversationnels
- le maintien de la relation avec l'auditoire
Notes
115.
Vion R. (1992): La communication verbale : analyse des interactions, Hachette P. 150.
116.
Cité par C. Kerbrat-Orecchioni (1996) : La Conversation, Seuil, P. 41.
117.
C. Kerbrat-Orecchioni (1996) : La Conversation, Seuil, P. 41-42.