La communication interindividuelle est un phénomène d'une extrême complexité 131 :
En somme communiquer, cela revient à savoir gérer ses motifs propres en même temps que sa relation à l'autre, dans des conduites communicatives largement influencées par la langue et la culture maternelle. Dans cette perspective, le travail de C. Kerbrat-Orecchioni 132 consiste à mettre en évidence des variations dans l'actualisation langagière de pratiques sociales, selon des règles précises liées à la culture. Par exemple le remerciement est proscrit entre proches en Corée, au Japon et dans certains pays africains, où il constitue une prise de distance insupportable. Il est intéressant de remarquer qu'à l'inverse, le remerciement en famille représente dans une pratique occidentale un liant et un élément de rapprochement prescrit par le code de politesse l'éducation.
La formulation des actes de langage se prête elle aussi à des variations d'un contexte culturel à l'autre, qu'il s'agisse de la lexicalisation de ces actes, ou de leur emploi. Un acte comme le refus est par exemple beaucoup plus indirect ou implicite chez les Asiatiques ou les Arabes que chez les Européens.
Ces diverses considérations amènent à relativiser la notion d'"exolingue", notion qui renvoie, pour J.-M. Colletta (1992), à la seule dimension linguistique des situations de contact. Il a ainsi introduit la notion d'"exocommunication" en référence à la notion de "communication exolingue" de R. Porquier. J.-M. Colletta propose de substituer à cette dernière la notion d'"exocommunication" qu'il définit comme : "des échanges langagières entre individus nés et socialisés dans des bassins linguistiques et culturels distincts, échanges dans lesquels la dissymétrie entre les participants concerne l'ensemble de leur compétence communicative et se manifeste aussi bien dans leurs conduites voco-verbales que dans leurs conduites non-verbales, aussi bien dans la production – interprétation des énoncés que dans la gestion du discours et de l'interaction" 133 .
Quelle que soit la notion utilisée, "la communication exolingue" ou "l'exocommunication", ce type d'interaction (le natif et l'alloglotte) repose effectivement sur la communication interethnique dans laquelle les conventions réglant la production et l'interprétation des codes linguistiques et culturels peuvent diverger entre les participants. Ce sont ces divergences qui sont à l'origine d'incompréhension et de malentendus.
Colletta J. M. (1991): "La conversation "exolingue": Quel objet ? Quelles spécificités ? Quelles compétences en jeu ?", in Interaction en Langue Etrangère, Russier C., Stoffel H., Véronique D. (éds.), Aix en Provence, Publications de l'Université de Provence. P. 95-106.
Kerbrat-Orecchioni C. (1991): "Variations culturelles et universaux dans les systèmes conversationnels", Communication au Premier Colloque International "L'analyse des interactions", Aix en Provence, septembre, 1991.
Colletta J.-M. (1992): "De l'exolingue à l'exocommunication", in Acquisition et enseignement des langues, Actes du VIII Colloque International, Grenoble, Lidilem, P. 33.