3.3.4.1. Les marqueurs énonciatifs

En général, le discours qui implique un face à face immédiat entre locuteurs et interlocuteurs, se caractérise au plan linguistique par une trace immédiatement perceptible de la présence des énonciateurs et des énonciataires dans la production. Il se caractérise par un usage spécifique des embrayeurs. En ce qui concerne les personnes, on notera l'absence du "tu", et la présence d'un "nous" qui commute continuellement avec un "on", et non avec "je". Quant aux verbes : le présent, le passé composé, l'imparfait et le futur immédiat sont les formes prédominantes. Les indicateurs temporels et spatiaux sont également utilisés par le guide pour se repérer dans le temps et dans l'espace.

À travers l'analyse du corpus, nous avons remarqué d'une manière générale que le guide utilise fréquemment le pronom "on" dans son discours historique et les pronoms "vous" et "je" dans son discours relationnel. Quant au pronom "nous", il est utilisé dans les deux discours.

Nous avons vu plus haut, dans l'étude de l'extrait tiré du discours de Jérash du guide Moh'd, l'alternance de l'usage des pronoms personnels ainsi que leur différentes désignations ou significations. Par exemple, le "on" peut être paraphrasé par "nous", c'est-à-dire en l'occurrence "je + vous" ; il désigne alors le locuteur et les interlocuteurs dont le savoir est présenté indirectement comme une connaissance partagée, connue des uns et des autres, antérieurement à la visite. D'autres emplois de "on" pourrait être paraphrasé par "ils" et indique certainement les spécialistes du domaine "les historiens ou les archéologues" qui ne sont pas directement nommés. Enfin, dans "si on visite Saint Pierre de Rome" "on" peut désigner l'indéfini (toute personne). Lorsque le guide veut s'adresser directement aux touristes au cours de son discours historique, il utilise le "vous" qui est combiné avec les verbes d'indications du type : regarder, voir, avoir, connaître, savoir, etc. Quant à son discours relationnel qui se manifeste par le dialogue, le guide utilise le pronom "vous", au singulier pour s'adresser à une seule personne ou au pluriel pour désigner tout le groupe.

Concernant le "je", il l'utilise dans des énoncés qui décrivent des états de choses de l'ordre de la vie privée du guide et qu'il convoque en tant que savoirs non professionnels pour justifier un don d'informations extérieures à la visite ou un souvenir ou une histoire personnelle du guide. Ex: "j'ai des gens que je connais des gens qui ont venus …", "y a deux jours ou trois jours à Jérash j'ai fait les visites ici ", etc. Le pronom "je" pourrait être aussi dépourvu de toute valeur individualisante, lorsqu'il est associé à un prédicat contenant un verbe d'état ou un verbe d'action décrivant une activité professionnelle du guide. Ex: "je vais vous montrer une photo …", etc.

En ce qui concerne le pronom "nous", il s'agit des formes qui incluent leur interlocuteur, c'est-à-dire les formes quantitativement importantes, de constructions du repère originel "nous sommes maintenant dans la place ovale". Dans d'autres emplois, le "nous" peut signifier une revendication de l'appartenance du guide à l'institution (agence de voyage) ou à l'ensemble du pays "non non nous avons des autres bien sûr" (le guide parle des universités jordaniennes). Il s'agit ici d'un "nous" collectif dont le touriste est exclu.

Ces deux savoir-faire se manifestent par l'utilisation de la langue française avec dans le premier cas des "on" + passé composé ("on a vu", "on a restauré", on a découvert", "on a trouvé", "on a mis") et dans l'autre cas, des "je", "vous" avec des impératifs et des formes familières. Ainsi, pour que le guide réussisse ces lieux de transition entre les deux discours, il doit utiliser des indices énonciatifs. L'opposition entre le discours historique et le discours relationnel se manifeste ainsi dans le fait que l'un est repéré énonciativement avec un "je", "vous" et le présent et l'autre est moins repéré du point de vue énonciatif, avec un "on", "nous" et le passé composé.