4.2.5.4. L'adhésion au contenu et polyphonie du discours savant

Ce que nous entendons par polyphonie dans le discours de J. Seigne est sa position en tant qu'archéologue par rapport aux autres chercheurs du domaine. Le discours du conférencier traite des travaux et des études en cours, ainsi il présente des divergences d'opinion d'où cette polyphonie des voix dans son discours.

L'engagement du locuteur vis-à-vis d'une réalité du terrain est différent selon les sujets auxquels sont associés les verbes d'opinion utilisés. Dans la conférence, J. Seigne utilise la plupart du temps le pronom "on" avec les verbes modaux. Le "on" représente, dans cette conférence, soit une réalité que tout le monde partage et joue un rôle inclusif en signifiant "je" + "les autres" comme dans cet exemple :

Dans cet exemple, le "on" signifie que le conférencier adhère au contenu de l'énoncé. Parfois, le "on" peut signifier "les autres" sans "moi" comme nous montre l'exemple suivant dans lequel le conférencier ne s'inclut pas dans le "on" :

Par contre, lorsqu'il dit : "d'aucuns qualifieront bien sûr d'hellénistique d'autant d'autant que la tradition veut que Jérash soit une fondation hellénistique (L31)" ou encore "certains pensent que", sur le plan illocutoire, cela signifie "je ne suis pas d'accord avec eux". Prenons un autre exemple où J. Seigne n'adhère pas à l'appellation du "cardo" dans le site :

En résumé, on constate que le rôle du discours n'est pas uniquement le fait d'exposer un contenu, mais également, comme le note A. Berrendonner c'est "se porter garant de cette vérité, courir le risque d'offrir sa propre personne, ou du moins son personnage social, en caution d'un jugement de vérité" 171 . Ainsi, les modalisations opérées par le locuteur sont nécessaires et indispensables pour la compréhension de son discours.

Le guide et le conférencier archéologue peuvent prendre différents risques dans l'exposition de leur discours. Pour l'archéologue, c'est son statut scientifique qui est mis en jeu, car il joue dans son discours l'ensemble de son métier. Par contre, le guide n'est pas considéré comme un spécialiste de la discipline. Ainsi, on peut lui pardonner certaines choses qui ne sont pas tout à fait vraisemblables car tout le monde sait que le guide, d'une part, a retenu des informations mais qu’il n'est pas lui-même à la source de ces informations, et d'autre part, que son travail principal est de connaître l'information et d'être capable de la faire passer. Il est en quelque sorte un "agent de communication".

La prudence dans le discours du conférencier est liée principalement à la discipline: l'archéologie est par définition une discipline d'objets "disparus", ce qui suppose donc beaucoup de reconstructions intellectuelles, d'interprétations et d'hypothèses. Les archéologues utilisent très souvent des modalités d'incertitudes car c'est la discipline et l'objet d'étude qui l'exige. Ainsi, dans le discours du conférencier, il y a des conjectures scientifiques et non de la certitude dans l'exposition des données comme le montre cet exemple :

Notes
171.

Cité dans Maingueneau D. (1991) : idem, P. 116.