5.4.2. Corpus 2 : le guide débutant

Le tableau ci-dessous présente les thèmes abordés par le guide pendant le trajet en autocar :

On note ici, le même phénomène que lors de la visite du château omeyyade Amra. On a indiscutablement un problème de gestion du discours de la profession mal maîtrisé cette fois ci en termes de contenu : de quoi peut-on parler avec les touristes dans le car ? Le discours semble ici inadéquat par rapport à la situation.

Ce discours est complètement décalé par rapport à ce qu'on attend dans ce type de situation. Le groupe touristique en visitant un pays comme la Jordanie n'a pas pour objectif dans sa visite d'écouter un discours centré totalement sur la vie et la mort du roi jordanien. Ce discours est repéré plutôt comme un discours politique. Or, le guide n'est pas censé tenir un long discours focalisé sur le gouvernement.

Le rôle du guide est en effet d'apporter des informations objectives sur la Jordanie dans son passé et non sur l'histoire contemporaine du pays. Il s'agit dans cette situation d'un problème interculturel dans la mesure où le guide en tant que jordanien va leur parler des sujets de l'actualité comme le rôle de la famille royale. Il est vrai que le guide est le représentant de son pays, mais ce guide n'exerce pas son métier tel qu'il est attendu par les touristes.

Le problème de ce discours est à notre avis un problème de "dosage" entre les différentes informations données aux touristes. Parler pendant une dizaine de minutes (110 lignes transcrites) de la vie du roi Hussein est un problème purement interculturel. Le guide s'inscrit bien dans des potentialités de discours, plus ouvertes dans la situation du car ce qui lui permet d'évoquer un sujet comme celui de la vie du roi Hussein, mais le problème de ce discours reste alors quantitatif. En revanche, ce type de problème ne se pose pas sur le site, du fait de la prévisibilité du discours touristique qui porte principalement sur les monuments.

Un autre point culturel sur lequel nous insistons est lié au silence. Pour éviter les moments de silence dans le car, le guide occupe le temps du trajet avec un discours de "remplissage". Il propose, dans un premier temps, un jeu de questions/réponses (5 questions) portant sur des informations données dans les visites précédentes. Ce jeu est accompagné par une distribution de cadeaux (photos et posters sur la Jordanie) comme une sorte de récompense afin d'encourager les touristes à participer dans le jeu. Les touristes ne réagissent et ne participent pas tous à ce jeu.

• "c'est facile moi je l'ai déjà dit pour cinq fois"
• "qu'est ce que vous pensez ++ malheureusement non remarquez très très joli cadeau non non quoi vous étiez pas avec moi hier vous étiez avec Mustafa (rire du guide) + pas de réponse c'est le je vais dire cent vingt sept cent vingt huit cent vingt neuf + qu'est ce que vous pensez ++ donc choisir une réponse cent vingt huit cent vingt neuf cent trente "
• "un autre question complètement complètement facile"
• "ah voilà bravo il a gagné applaudissez à lui"
• "voilà Stéphanie elle a bien gagné encore maintenant il y a un cadeau très intéressant"
• "maintenant la question (…) il coûte mille dinars c'est-à-dire dix mille francs français (…) qui + qu'est ce que vous pensez vous avez oublié + donc si vous restez toujours comme ça sera mieux pour moi à arrêter de parler n'est ce pas oui ou non …"

L'objectif interactionnel de ce jeu n'est donc pas atteint. Le guide anime pratiquement seul le jeu en essayant de les impliquer avec ses commentaires et ses encouragements.

Nous retrouvons également dans cette situation le caractère "instituteur" du guide, d'une part dans le choix de ce jeu, et d'autre part dans tous les commentaires (cités plus haut) qui peuvent être adressés plutôt à un public scolaire qu'à des touristes.

Dans un deuxième temps, Le guide choisit un sujet qui pose qualitativement et quantitativement un problème. Tout d'abord, dans le choix du sujet :

"comme vous savez bien toute la Jordanie aime bien le roi Hussein pour cela aujourd'hui on va discuter la vie du roi Hussein on va discuter plusieurs sujets la politique de la Jordanie comment c'était la Jordanie …"

Ensuite, la quantité donnée sur ce même sujet est jugée excessive. Un "rodage" interactionnel est à prévoir dans le discours de ce guide. Le fait qu'il soit débutant dans son métier, va peut être l'amener à répéter beaucoup de fois son discours sur le roi et à finir au bout d'un certain temps à en parler moins et à savoir équilibrer la quantité de l'information nécessaire à donner aux touristes.

Enfin, Un bon guide doit savoir combiner à la fois le discours informatif et le discours relationnel de façon adaptée à la situation de communication.