3.3.1. Turquie : les attraits de la modernité à l’occidentale.

La Turquie moderne est l’exemple typique de pays à régime autoritaire ayant succombé à l’attrait de l’Occident dans sa quête de maîtrise du principe de composition. Jusqu’à la fondation de la République en 1923, l’Etat turc, héritier de l’Empire ottoman, avait encore tous les attributs formels de l’Etat impérial : malgré la perte de nombreux territoires passés sous le protectorat des Anglais (Irak, Egypte) ou carrément annexés par d’autres puissances (la France pour la Syrie, le Liban, l’Algérie), une forme de suzeraineté morale continuait d’être pratiquée sur certains pays du Moyen-Orient comme aux plus beaux jours du régime du Califat dont on se réclamait d’ailleurs toujours en Turquie. Mais la première guerre mondiale a mis brutalement fin aux prétentions de ce Califat nominal, plaçant les hommes politiques turcs devant la responsabilité historique d’abolir ce régime qui ne différait en rien de l’Etat impérial du Moyen-Âge européen. C’est ce que fit Mustapha Kémal (Atatürk) qui dut mener sur le sol même de la Turquie une guerre d’indépendance contre les Alliés.

L’idée d’un Etat national turc vit le jour au cours de cette guerre, Atatürk et ses partisans (qui se recrutaient au sein des élites occidentalisées civiles et militaires) puisant dans la philosophie de la Révolution française et plus généralement dans les idées du Siècle des Lumières de quoi nourrir intellectuellement leur mouvement en faveur de l’instauration de la République. Celle-ci vit le jour en 1923 mais le nouvel Etat n’en était encore qu’au stade des velléités en ce qui concerne l’accès à la maîtrise du principe de composition : manquaient tout à la fois les moyens techniques et l’organisation sociale de l’entreprise. Aussi le pouvoir kémaliste se fixait-il pour objectif de réunir toutes les conditions pour un développement économique national rapide à même de donner à la Turquie une place parmi les puissances de l’ère moderne.

Dans cette perspective, tout était à entreprendre, depuis la réforme de l’alphabet jusqu’à la création d’une base industrielle à partir d’une économie agricole de subsistance en passant par l’extension du réseau de chemins de fer, la construction d’infrastructures portuaires etc. Vaste programme pour un Etat national en formation mais programme empreint d’un volontarisme résolu.