8.4. Les effets aggravants de la libéralisation financière sur les inégalités sociales en système d’économie à base de rente.

Puisque la libéralisation financière ne favorise guère l’accumulation, a-t-elle au moins un effet redistributif à même d’atténuer les inégalités sociales propres au système d’économie à base de rente ou d’éliminer ne serait-ce que les aspects les plus criants de la pauvreté ? Voire !

Les pauvres ont toujours existé en Algérie. Ayant participé à organiser une caravane d’aide d’urgence aux victimes du séisme qui a frappé la région de Tipaza en octobre 1989, l’auteur de ces lignes a pris la mesure de l’extrême dénuement des populations de cette région distante de 70 KM seulemnt d’Alger, restées en marge du progrès. Enfant, il a vécu la faim, connu l’ignorance et côtoyé la misère, mais il lui semblait qu’elles étaient le lot qui accompagnait la guerre. A trente ans de distance, voilà que ces mêmes fléaux sévissent, alors que le pays avait depuis longtemps recouvré son indépendance. C’est comme si l’indépendance de l’Algérie n’avait pas eu lieu pour ces populations. Mais en 1989 l’amorce de la descente aux enfers avait commencé pour bien plus de gens que ne pouvait l’imaginer l’observateur le plus enclin à noircir le tableau. Un signe pourtant ne laissait pas d’inquiéter quant au creusement des inégalités sociales : en pleine crise économique, de nouveaux riches pour qui le PAP 771 avait été une bénédiction se sont mis à étaler leur fortune sur la place publique, en proie à une sorte de frénésie dans la consommation de produits made in 772 .

La question de la pauvreté apparaissait désormais pour ce qu’elle était : une question sociale inscrite dans les inégalités qu’induit le mode de répartition des revenus en système d’économie à base de rente. Etant donnée la nature du système d’économie, c’est le mode d’appropriation de la rente qui était donc en cause. Il n’était plus possible, en ces temps de crise que la réforme la plus ambitieuse que le pays ait jamais tentée n’a pu résorber, de nier ou simplement de méconnaître ce phénomène dont les autorités avaient fait jusque-là une question taboue. Une décennie plus tard (1999), la très officielle Banque Mondiale qui, instruite des méfaits des programmes d’ajustement structurel dans de nombreux pays, avait inclus un volet social dans ses recommandations de libéralisation économique, traitait aussi ouvertement de la question de la pauvreté en Algérie en essayant d’en cerner le profil et de mesurer l’impact des réformes sur les pauvres. Les chiffres annoncés étaient déjà alarmants : pour 1995, 14% de la population 773 (soit 4 millions de personnes) vivaient en dessous du seuil de pauvreté selon le rapport établi par cette institution à l’adresse des autorités algériennes 774 . Le même rapport note qu’ « environ 22% des Algériens sont vulnérables à la moindre détérioration des conditions économiques » 775 . Il impute à l’absence de croissance économique et à la baisse du revenu disponible cette situation et met en cause les faibles performances des secteurs industriel et manufacturier parce qu’elles ne permettraient pas la création d’emplois productifs à même d’endiguer le chômage. Le chômage bât son plein donc, passant de 17% de la population active en 1985 à 27% en 1994, ce qui se traduit par l’aggravation de la situation des pauvres, notamment en milieu urbain. Le chômage touche certes en priorité « les chefs de ménage peu éduqués » 776 mais il s’étend aux adultes d’un certain âge indépendamment de leur niveau d’instruction. En milieu rural, il frappe tout spécialement les personnes qui n’ont pas accès à la terre en tant qu’exploitants quel que soit leur statut et qui trouvent de moins en moins de travail en raison du développement de la mécanisation des cultures. Cette analyse aboutit logiquement à des recommandations de politique économique tendant à réaliser « une croissance durable à forte intensité de main-d’œuvre » 777 pour réduire le chômage et par voie de conséquence la pauvreté. Quatre années plus tard, la même recommandation émane de l’autre grande institution financière internationale, le FMI, qui écrit dans son rapport de janvier 2003 sur l’Algérie 778  : « To promote labor intensive activities and strengthen incentives to operate in the formal sectors, the staff recommended the reduction of various levies assessed on the wage bill » 779 . Cette stratégie doit être appliquée en agriculture, dans le secteur manufacturier, celui des services ou le secteur non structuré, surtout si ces secteurs sont orientés vers les exportations. Bien entendu, cette orientation de la politique économique va de pair avec le désengagement de l’Etat et la promotion du secteur privé. En outre, des changements institutionnels allant dans le sens d’une plus grande flexibilité du marché du travail (réglementation et salaires) doivent être introduits de façon à permettre à tous les secteurs d’activité d’absorber une main-d’œuvre plus nombreuse tout en favorisant sa mobilité.

Ni la Banque Mondiale, ni le FMI ne se départissent de ce qu’ils considèrent comme un principe de doctrine : « l’expérience indique, note le rapport susmentionné de la première de ces institutions, que les hausses de salaire minimum devraient être maintenues au-dessous du taux de croissance de la productivité de la main-d’œuvre » 780 . C’est le même point de doctrine qu’un rapport du FMI datant de 1998 avait aussi mis de l’avant comme une des principales causes du chômage (le rapport ne fait pas explicitement le lien entre le chômage et la pauvreté comme le fait celui de la Banque Mondiale mais il aboutit à des recommandations identiques). Ainsi peut-on y lire : « le cadre institutionnel du marché du travail a sans aucun doute contribué aux pressions sur les salaires » 781 . Et les rédacteurs du rapport d’incriminer les syndicats coupables d’exercer une forte pression sur les pouvoirs publics en faveur de l’augmentation des salaires ou à tout le moins de leur maintien. « Cette politique a été à l’origine des graves problèmes financiers de certaines entreprises […] » souligne le rapport (page 63) qui indique par ailleurs que, entre 1989 et 1993, « le salaire minimum a augmenté d’environ 17% en termes réels tandis que la productivité totale des facteurs baissait de 12% » (même page). Si, par suite, les rédacteurs du rapport recommandent « de poursuivre la réforme du dispositif légal de protection de l’emploi afin d’assouplir la procédure de compression des effectifs » (page 66), ils ne semblent pas embarrassés le moins du monde pour préconiser dans le même paragraphe une réforme des structures du marché de l’emploi « particulièrement axée sur la promotion de l’emploi dans le secteur formel ». La raison invoquée ? Le niveau de productivité de ce secteur est plus élevé [que celle du secteur informel]. Mais l’est-elle au point de permettre un accroissement des charges salariales qu’impliquerait l’offre de nouveaux emplois ? Assurément non puisque le même rapport suggère d’appliquer une « politique modérée de salaire minimum [qui] est d’autant plus indiquée que les charges salariales ne sont pas négligeables dans le secteur formel » (page 66).

Tout cela paraît bien confus à l’analyste pourvu d’un esprit un tant soit peu critique : si la croissance est à forte intensité de main-d’œuvre, la productivité sera nécessairement faible parce que manquera l’élément technique susceptible d’en relever le niveau. Et si le travail devait être rémunéré en dessous de la productivité, le salaire minimum serait-il autre chose qu’un salaire de misère ? Faut-il dès lors en attendre qu’il améliore le sort des pauvres ? Ne doit-on pas s’attendre, dans ces conditions et pour rester dans le cadre théorique de cette thèse, à une baisse drastique de l’offre de travail sur le marché formel et au développement corrélatif des activités informelles qui, même moins productives (ou pas productives du tout comme c’est le cas des activités spéculatives) seront toujours plus profitables à ceux qui s’y adonnent ? Or l’emploi informel procède pour une large part de la redistribution des revenus (répartition secondaire, voire tertiaire de la rente). Quel crédit accorder alors à la thèse de la rémunération du travail à sa productivité ? Les fortunes colossales qui se sont amassées dans les activités de ce que H.Zidouni appelle l’économie non observée se justifient-elles par la productivité du travail qui s’y déploie Certes non ! Elles ne sont qu’une des formes que revêt la rente après redistribution, dussent-elles subir la ponction de la zakat 782 qui les légitime socialement.

Tout ce qui vient d’être dit situe les limites de l’analyse de la pauvreté en termes de chômage dans un système d’économie à base de rente. Puisqu’il a été question de la faiblesse de la productivité comme facteur de chômage et donc de pauvreté, précisons à présent le véritable rapport que la productivité entretient avec la pauvreté dans un tel système. Il n’est question bien évidemment que de la productivité du travail étant donné que, du point de vue de l’approche que nous adoptons ici, le concept de productivité du capital est une « monstruosité » selon le mot de F. Engels 783 .

Comme tout le monde le sait, l’effet immédiat de la productivité du travail est de réduire les coûts de production des biens fabriqués dans la branche ou le secteur où la productivité s’élève. Peu importe ici à quoi est due cette élévation : meilleure organisation du procès de travail, introduction de nouveaux équipements plus performants etc. Le fait est que les coûts baissent en proportion de l’élévation de la productivité du travail. Lorsque celle-ci a lieu dans les branches de production des biens-salaire, elle a pour effet de diminuer le coût d’entretien de la force de travail ou, ce qui revient au même, d’accroître le pouvoir d’achat des salaires nominaux (pour autant qu’ils ne sont pas amputés d’une portion de leur valeur par l’inflation) en sorte que les salaires réels augmentant, les salariés se trouvent en meilleure situation. C’est tout le contraire qui se produirait si la productivité du travail venait à baisser (toutes choses égales par ailleurs). Tel est du moins le principe.

Qu’en est-il dans le cas d’un système d’économie à base de rente caractérisé par une inefficacité telle des activités productives qu’une bonne proportion des biens-salaire (sans parler des biens-capital) est importée ? Là, ce n’est plus la productivité du travail qui détermine le degré d’aisance des salariés mais les paramètres qui agissent directement ou indirectement sur les prix intérieurs, paramètres au premier rang desquels se place le taux de change. Quel que soit le niveau de la productivité du travail dans les branches productrices des biens-salaire importés, la dépréciation du dinar (a fortiori sa dévaluation) tendra à en annihiler l’effet sur les salaires réels dans le pays, renchérissant du coup les produits domestiques fabriqués à l’aide d’inputs importés et appauvrissant d’autant les salariés tant que les salaires nominaux sont maintenus à leur niveau antérieur. En tout état de cause l’effet immédiat de cette mécanique est de rendre inabordable pour les salariés les produits importés, ce qui se répercute négativement sur les conditions et le niveau de vie de ces derniers étant donnée l’étroitesse de l’éventail des biens-salaire produits localement. Se peut-il que cela n’ait pas de répercussion sur la productivité de la main-d’œuvre dans le pays ? Certes si. Et l’effet n’est pas seulement de l’ordre de l’objectif mais également moral : tandis que, à la faveur de la libéralisation du commerce extérieur, le marché est inondé de biens, le salarié dont les revenus sont insuffisants prend la mesure de son exclusion sociale et réagit par la démotivation 784 . Indépendamment même des effets de distorsion qu’elle produit sur la structure des revenus, la libéralisation a aussi pour conséquence d’égaliser les conditions de la reproduction de la force de travail à l’échelle internationale tout en discriminant par le revenu les salariés selon qu’ils appartiennent aux pays exportateurs ou aux pays importateurs de biens-salaire. C’est dire qu’elle participe de l’appauvrissement de la frange de la population à revenus salariaux. On ne peut donc pas s’étonner de ce que les salariés soient dans cet état de dénuement décrié par les syndicats autonomes, dénuement doublé d’un vif ressentiment à l’endroit de ceux qui, tirant profit du système d’économie à base de rente, mènent un train de vie exubérant et fastueux.

Au total et pour en terminer avec la question du lien de cause à effet entre libéralisation et pauvreté, essayons de prendre la mesure du phénomène de la pauvreté en Algérie depuis l’adoption du programme d’ajustement structurel. C’est le rapport de la Banque Mondiale susmentionné qui nous donne les éléments chiffrés concernant les seuils de pauvreté. S’appuyant sur la méthode de calcul du coût des besoins de base dont la Banque Mondiale (sous la présidence de Robert McNamara) s’était rendue célèbre dans les années 1970, elle détermine trois seuils successifs qui donnent chacun un profil différent de la pauvreté en Algérie entre 1988 et 1995 :

Sur la base de ces chiffres, la Banque Mondiale estime à plus d’un million six cent mille le nombre de personnes en proie à la pauvreté extrême en 1995 contre moins de 550000 personnes en 1985 ; à près de 4 millions le nombre de personnes très pauvres contre moins de 2 millions respectivement aux mêmes dates et à 6,6 millions le nombre de pauvres en 1995 contre un peu plus de 2 millions de personnes en 1988. Si, de façon générale, les Algériens continuent de jouir d’un niveau de vie supérieur à celui de leurs voisins immédiats (Maroc, Tunisie), celui-ci n’en a pas moins subi l’effet de la crise puisque, comme le montre le tableau suivant, le PIB par habitant (en termes courants) a chuté depuis 1980 alors qu’il a augmenté dans les autres pays du Maghreb.

Evolution du PIB par habitant (en $)
  Algérie Tunisie Maroc
1970 2096 718 575
1980 2683 1177 782
1995 2389 1436 871
Source : Conseil National économique et social. Projet de rapport national sur le développement humain – mai 1999 p122

L’écart entre les trois pays est apparemment considérable en faveur de l’Algérie. Mais en 1995, le même PIB / habitant corrigé par la parité des pouvoirs d’achat (PIB réel) affiche des différences nettement moins marquées en faveur de l’Algérie.

PIB réel par habitant (PPA) pour 1995
Pays Algérie Tunisie Maroc
PIB réel 5618 5261 3477
Source id p122.

La situation globale s’est donc dégradée pour l’Algérie à moins qu’elle ne se soit fortement améliorée pour la Tunisie et le Maroc depuis 1980, ce qui est peu probable. Le projet de rapport national sur le développement humain pour l’année 2001 publié par le CNES en décembre 2002 opte pour la première de ces assertions. Il note un recul de l’ordre de 4% de la consommation en 2000 par rapport à 1986, année d’entrée de l’Algérie dans la crise. Parallèlement, les inégalités sociales se seraient maintenues puisque « les 20% de la population les plus défavorisés et les 20% de la population les plus riches consomment respectivement 7,8% et 43,2% de la consommation globale » ; proportions à peine différentes de celles enregistrées en 1988 (6,4 et 47,19% respectivement).

L’autre grand volet du problème étudié dans cette section est celui de la pauvreté engendrée par les inégalités d’accès à la protection sociale entendue au sens le plus large. Celles-ci résultent, comme on pourrait aisément l’imaginer, non pas tant de ce que les ressources destinées à cette fin sont limitées (ce qui est un truisme), mais de ce qu’elles sont réparties selon des modalités traduisant des discriminations sociales injustifiées. Un rapport du BIT intitulé « S’affranchir de la pauvreté par le travail » souligne le lien fort existant entre l’absence de protection sociale et les problèmes courants de la vie telles la mauvaise santé, la capacité de travail limitée, la faible productivité, l’espérance de vie réduite etc. 786 . Le même rapport associe explicitement perte de dignité et pauvreté pour conclure à la faillite morale des systèmes économiques en vigueur socialement inefficaces. Dans le même esprit, un rapport du Conseil Economique et Social des Nations Unies associe explicitement l’existence de l’extrême pauvreté à la violation des droits de l’homme 787 . Quant à la dignité humaine, elle ne se réduit pas à l’assouvissement des besoins, aussi complet soit-il. Comme le dit R. Sandretto, « la tâche n’est pas seulement économique. Elle est essentiellement politique au vrai sens du terme » 788 . Elle l’est d’autant plus dans un pays comme l’Algérie où, ainsi qu’il à été indiqué à maintes reprises dans la présente étude, les rapports sociaux dans leur ensemble se présentent d’emblée comme des rapports à l’Etat, autrement dit des rapports politiques. La question de la protection sociale a d’ailleurs longtemps revêtu dans ce pays un caractère stratégique en ce sens qu’elle influait jusqu’à un certain point sur la stabilité sociale, politique et institutionnelle. Cette stabilité a été mise à rude épreuve depuis le milieu des années 1980 par l’abandon de la politique de protection sociale consécutif à la crise économique de 1986, abandon qui s’est accompagné d’atteintes multiples aux droits sociaux les plus élémentaires ainsi qu’à la dignité des travailleurs 789 . L’adoption en 1994 d’un programme d’ajustement structurel, tout en intégrant un volet social dans ses recommandations, à sapé les bases du consensus relatif aux modalités de redistribution de la rente pour en établir de nouvelles, plus favorables aux détenteurs d’un quelconque pouvoir, fût-il un pouvoir de nuisance comme celui dont disposent de façon informelle certains fonctionnaires et autres agents administratifs peu scrupuleux qui rechignent à faire leur travail s’ils n’obtiennent pas en contrepartie une rémunération quelconque 790 .

Par le passé, de tels développements de la situation sociale étaient impensables. Un rapport de la Banque Mondiale daté de septembre 1993 le reconnaissait d’ailleurs explicitement : « Malgré des problèmes structurels et des inefficacités économiques, le système [de protection sociale] a relativement bien réussi à protéger la population contre la pauvreté » note-t-il (p 63) au sujet du système prévalant avant 1986. Pourtant des sources de rente ne manquaient pas dans la politique des revenus de l’époque. A. Benachenhou en a très tôt signalé quelques-uns dans un article datant de 1972 : « monopole de la connaissance, monopole de l’information, monopole du logement » 791 en constituaient les principales formes. Au sujet du monopole de la connaissance, l’auteur, qui imputait à la politique coloniale l’organisation de la rareté du savoir en ce début d’indépendance, mettait en cause les professions dites « libérales » - médecins, avocats, pharmaciens – qui empêchaient l’Etat de mener une politique de santé publique, d’assistance judiciaire au citoyen etc. L’auteur prônait alors la mise en place de ce qu’il appelait « l’ingérence nationale » pour venir à bout de ces maux. En dépit de l’incapacité des pouvoirs publics de l’époque à éliminer les rentes de monopole qui commençaient à apparaître, le système économique dans son ensemble limitait pourtant grandement sinon la constitution de fortune privées, du moins les opportunités de leur emploi spéculatif. A partir de 1971 (avec la décision du 24 février de nationaliser les sociétés pétrolières étrangères opérant dans le pays), le projet industriel et la politique d’emploi et de protection sociale qui l’accompagnait allaient prendre leur essor, contrariant le processus de différentiation sociale qui commençait à se faire jour. Or 1971 fut aussi l’année de l’application de la révolution agraire qui apporta un immense espoir aux déshérités des campagnes (espoir déçu par l’évolution ultérieure des faits). De 1971 à 1986, les grandes réalisations sociales du régime issu du coup d’Etat du 19 juin 1965 (médecine gratuite, généralisation de l’enseignement, lancement d’un programme de logements sociaux à loyer modéré) furent, avec la redistribution des terres au profit des petits paysans, autant de décisions qui, pour n’être pas en accord avec quelque corps de doctrine que ce soit, n’en étaient pas moins courageuses. Leur résultat a été de contenir autant que faire se pouvait les distorsions à l’œuvre dans le corps social. Il est vrai que, en contrepartie, la société entière subissait les contrecoups de cette politique volontariste : répression des libertés individuelles, atteinte aux droits fondamentaux des personnes à l’expression, à l’association etc. et même parfois atteinte à leur intégrité physique furent des composantes intégrantes de cette politique volontariste. Ce fut le prix payé par ceux – étudiants, intellectuels, artistes – qui formaient la conscience de la société – et la mauvaise conscience des gouvernants.

Si la situation n’a pas radicalement changé en ce domaine avec l’avènement du nouveau régime en 1979-80, ce dernier s’était lancé dans une politique de libéralisation économique qui allait donner toute latitude aux détenteurs du pouvoir de s’accaparer des richesses du pays. Mieux : il allait transformer en source de rente la moindre parcelle de pouvoir et en champ de manœuvre le moindre espace économique. C’est par la loi de février 1981, qui avait organisé la cession des biens de l’Etat à leurs occupants, que ce processus allait être amorcé. On a déjà fait allusion à cette loi. Elle permit aux tenants du régime (qui se sont accaparé des villas coloniales et des appartements de grand standing de même origine dans toutes les villes du pays) de se retrouver du jour au lendemain propriétaires d’un patrimoine immobilier dont ils allaient pouvoir tirer des revenus colossaux. Cette perspective allait se réaliser avec la constitution du marché immobilier qui, pour n’être pas un marché parallèle, n’en permettait pas moins aux transactions qui s’y déroulaient d’échapper au contrôle du fisc. Plus juteuses encore étaient (sont) les opérations de vente de terrains à vocation agricole transformés par leurs nouveaux propriétaires en terrains constructibles au mépris de la loi sans le moindre souci d’être poursuivis pénalement. Ces terrains – en fait les meilleures terres du littoral et des hauts plateaux – ont été accaparés par les dignitaires du régime à la faveur de la décision prise en décembre 1987, au mépris des dispositions de la Constitution, de réorganiser les domaines autogérés et autres fermes collectives sur lesquels l’Etat gardait la haute main en tant qu’il en avait la propriété éminente 792 . D’autres faits, rapportés dans le chapitre septième de la présente étude, participaient de cette nouvelle politique d’accaparement qu’on présente sous les attraits de la libéralisation. Quelle était donc la source ultime de toutes ces richesses en situation de marasme économique, de désinvestissement massif et de blocage de l’accumulation ? Les revenus pétroliers, évidemment ; revenus dont, à la vérité, on ne connaît qu’approximativement le montant 793 . Pourtant les pouvoirs publics n’ont pas cessé de rogner sur les dépenses inscrites au budget de l’Etat, que celles-ci soient financées sur la composante contributive de ce budget (constituée des cotisations sociales) ou sur la partie non contributive (impôts et fiscalité pétrolière). L’évolution des dépenses consacrées aux secteurs sociaux en termes réels et en pourcentages du PIB a été la suivante pour les trois grands secteurs : éducation, santé, protection sociale.

Dépenses consacrées aux secteurs sociaux en termes réels (milliards de DA aux prix constants de 1993) et en % du PIB
 
1993 1994
valeur % valeur %
1999 2000
valeur % valeur %
Dépenses publiques totales 390,5 33,5 357,9 31,0 419,5 30,6 420,8 30,0
Secteurs sociaux dont 273,1 23,4 256,8 22,2 265,8 19,4 250,8 17,9
Education 97,4 8,4 86,7 7,5 88,5 6,5 85,1 6,1
Santé 47,4 4,1 46,4 4,0 41,8 3,1 43,5 3,1
Protection sociale 128,3 11,0 123,6 10,7 135,5 9,9 122,2 8,7
Source : Etrait du rapport de la Banque Mondiale du 25 juillet 2001 intitulé Revue des dépenses publiques consacrées aux secteurs sociaux.

On constate une baisse sensible (en termes constants) des dépenses publiques en faveur de ces trois secteurs : de 273 milliards de dinars en 1993, celles-ci sont ramenées à 250 milliards en 2000. La diminution est d’autant plus importante relativement que le montant total des dépenses inscrites au Budget de l’Etat a augmenté substantiellement entre ces deux dates, passant de 390 à 420 milliards de dinars. En pourcentages, la perte représente 5,5 points de PIB, ce qui est considérable. Les trois postes budgétaires (Education, Santé, Protection Sociale) se partagent cette baisse des dépenses à peu près équitablement. La baisse a lieu alors que, comme le précise le rapport de la Banque Mondiale, une demande accrue est enregistrée en matière de services publics. Le rapport qui note qu’il n’y a pas eu de détérioration de certains indicateurs tels que la scolarisation dans l’enseignement primaire, la mortalité infantile ou l’espérance de vie, indique néanmoins que des signes d’augmentation de la malnutrition associée à une recrudescence de la pauvreté existent bel et bien. Or la pauvreté a des conséquences que ne traduisent qu’imparfaitement les indicateurs sociaux. Par exemple, le même rapport de la Banque Mondiale qui constatait le maintien du taux de scolarisation dans l’enseignement primaire n’a pas pu passer sous silence le fait qu’il y ait une plus forte déperdition scolaire puisque « les taux d’abandon et de redoublement ont augmenté » 794 . Le premier de ces taux est particulièrement élevé puisque, pour 1996 par exemple, il était de 24 % en 9ème année fondamentale et de 35 % en troisième année secondaire 795 . Comme pour corroborer l’idée d’un lien étroit entre la pauvreté et l’abandon de la scolarité, on constate que ces taux sont plus élevés chez les garçons (sollicités par la famille dans sa quête de revenus complémentaires) que chez les filles. Quant aux aspects proprement qualitatifs de cette situation, ils ne sont tout simplement pas pris en considération dans les indicateurs relatifs au secteur de l’éducation, pas plus que n’entre en ligne de compte la misère morale qui touche plus de gens que la misère matérielle. On sait combien l’éducation détermine le degré de maîtrise du principe de composition et partant la capacité d’une société à se prendre en charge, c’est-à-dire, pour parler le langage des économistes, à répondre par une offre suffisante en quantité et en qualité aux demandes sociales de toutes sortes qui émanent de ses membres. Force est de constater, avec les analystes du système éducatif algérien, que la stratégie actuelle de ce dernier a tout d’une stratégie de l’échec. Il n’est que de constater à ce sujet les résultats annuels des candidats au baccalauréat, examen pour lequel le taux de réussite ne dépasse jamais les 30%. Mais le problème est bien plus grave qu’il n’y paraît. Il plonge ses racines dans la conception même de l’éducation qui est mise en œuvre, dans sa méthodologie en matière de pédagogie et dans son organisation. M. Boudalia Greffou avait tenté en vain d’attirer l’attention des décideurs à la fin des années 1980 sur les problèmes de l’école en lançant un pavé dans la mare 796  : l’enseignement qui y est dispensé, écrivait-elle, est calqué dans ses concepts, dans sa méthode et dans ses techniques sur le modèle de la classe de perfectionnement mise au point en France à l’adresse des enfants catalogués dans la catégorie des débiles légers 797 . L’auteur analyse en profondeur la structure des discours développés par l’école pour conforter cette idée. Elle met en cause en particulier l’évacuation du vécu de l’enfant, avec ce qu’il aurait pu induire de mise en situation à l’école des faits concrets sous les diverses formes du langage conduisant à l’abstraction. Tout au contraire, les apprentissages de la vie étant ainsi évacués, l’enfant se retrouve à ânonner, dans une langue qui est étrangère à son milieu familial et social – l’arabe classique – ce qu’il sait déjà par expérience. Tirant le bilan de près de trente années d’expérimentation de ce modèle et des échecs cuisants auxquels il a conduit, feu Mohamed Boudiaf, président du Haut Comité d’Etat (HCE) 798 de janvier à juin 1992, avait lancé cette phrase lourde de sens : « l’école est sinistrée ». Et avec elle, pourrait-on ajouter, la société qui se prive du seul moyen qu’elle a de se penser elle-même. N’est-ce pas ce qui a conduit à cette impéritie générale si décriée aujourd’hui mais si enracinée qu’elle semble faire partie de l’être collectif des Algériens ? La misère morale qui en résulte est incommensurable. Confrontée à un formidable défi, celui d’amener la société à la modernité, l’école est jetée en pâture aux tenants d’une idéologie passéiste et rétrograde n’offrant de perspective à l’enfant (et donc à la société de demain) qu’une perspective eschatologique.

Ce n’est donc pas tant l’efficacité allocative ou technique qui fait défaut comme le rapport de la Banque Mondiale cherche à le faire croire, mais l’efficacité sociale, c’est-à-dire la capacité du système éducatif à produire non seulement une élite portée à s’assimiler les développements techniques les plus à la pointe du progrès, mais aussi un personnel d’encadrement et des agents de maîtrise et d’exécution aptes à s’insérer dans le procès de production et à en assurer le bon déroulement.

D’efficacité sociale, il n’y en a pas davantage dans les autres secteurs sociaux telle la protection sociale. Les trois volets qui le composent (programmes d’emploi, sécurité sociale et programmes d’assistance) laissent tous à désirer du point de vue de leur efficacité. Ici efficacité sociale et efficacité allocative se confondent jusqu’à un certain point. Entre 1993 et 2000, « les dépenses publiques de protection sociale ont diminué alors que le nombre de bénéficiaires augmentait » 799 . De 11 % du PIB en 1993 pour moins de 5 millions de bénéficiaires, celles-ci ont été réduites à 8,8 % du PIB pour près de 9 millions de bénéficiaires. Quel que soit le type d’emploi financé sur les dépenses budgétaires (ESIL, CPE, micro-crédit en faveur de la création de petites entreprises) l’efficacité allocative est très réduite si l’on en croit le rapport susmentionné de la Banque Mondiale qui indique à leur endroit que « les gains nets [c’est-à-dire le nombre d’emplois créés] sont vraisemblablement négatifs » 800 .

En matière de sécurité sociale, un système hybride a été mis en place qui profite à toutes les couches de la population sans distinction de revenus ou de statut (cotisants et non cotisants à la Caisse Nationale d’Assurance Sociale – CNAS). Celle-ci finance 44 % des dépenses de soins de santé publiques à travers les versements forfaitaires au profit des hôpitaux. De 8 milliards de dinars en 1990, ces versements ont atteint 22 milliards en 2001 provoquant ce faisant un déficit de la CNAS et rendant insoutenable la situation financière globale du système de protection sociale. Au lieu qu’il définisse un programme d’actions à sa charge à même d’alléger la pression sur la CNAS et de permettre à celle-ci de gérer au mieux l’argent des cotisants tout en améliorant ses prestations, l’Etat (qui hérite cette caractéristique du temps où il se présentait comme cet être omnipotent dont il a été question dans les chapitres précédents), se fait subventionner par la CNAS pour continuer d’apparaître pour ce qu’il n’est plus, entretenant ce faisant la confusion dans les esprits sur sa nature et sur sa fonction. Le fait est que, pour n’avoir pas ciblé les populations nécessiteuses, les différents programmes d’assistance sociale ont conjugué inefficacité et iniquité sans pour autant agir sur les causes de la pauvreté ni sur son développement. L’absence de suivi de ces programmes est un autre motif de leur inefficacité allocative. Mais de quelle efficacité pourrait se targuer un système qui, alimenté par la rente, ne conçoit d’actions sociales que redistributive ? Plus ardue est la tâche consistant à amener la société à la conscience de sa propre condition et à œuvrer à en extirper le mal qui la ronge en réunissant tous les présupposés de la croissance économique que nous avons regroupés dans la présente étude sous le terme générique de principe de composition.

Nous nous sommes intéressé dans ce chapitre aux problèmes monétaires de l’Algérie indépendante et à ce qu’ils impliquent d’effet sur la répartition des revenus. Il est apparu à l’analyse que le dinar (monnaie censée normer le système productif algérien et traduire en fait l’indépendance du pays) ne possédait pas toutes les fonctions devant lui conférer le statut de véritable monnaie et lui permettre d’interagir avec d’autres variables économiques dans son développement. La raison principale ne tenait pas seulement au fait que le système en question s’était constitué dans la dépendance d’autres systèmes, elle réfère à cet autre fait : le dinar se définissait davantage comme la contrevaleur des ressources en devises du pays que comme la contrepartie monétaire d’un quantum de richesse créé localement. Ce sont ces ressources (en tant qu’elles sont un revenu dotant le pays d’un pouvoir d’achat sur l’extérieur) qui lui donne cette capacité de représenter un quantum de richesse et d’être accepté comme monnaie. Mais c’est comme monnaie tronquée de sa principale fonction - celle de réserve de valeur – que le dinar circule dans le pays. Et c’est parce qu’il est dépourvu de cette fonction qu’il est disqualifié comme monnaie de financement de l’accumulation. Il ne lui reste plus alors qu’à assurer la répartition des richesses en se présentant comme la forme revenu des catégories de la population constitutives de la société, que ces revenus proviennent des richesses créées localement ou de celles que les ressources en devises du pays ont le pouvoir de faire venir de l’extérieur par un simple transfert. D’où l’expression des inégalités sociales dans la détention par devers soi d’un plus ou moins grand nombre de signes monétaires figurés par le dinar.

Néanmoins, tant que le système économique était régulé administrativement, le dinar ne jouait qu’un rôle mineur dans l’expression des inégalités sociales parce qu’il était réduit à n’être qu’une unité de compte. Il en est allé tout autrement quant, à la faveur de la libéralisation économique, le dinar a recouvré certaines fonctions. S’il n’assurait toujours aucun rôle dans le procès d’accumulation, il n’en servait pas moins à ceux qui avaient accumulé des fortunes en cette monnaie à accéder à la vraie richesse pour paraphraser Charles Péguy ; autrement dit à se procurer des devises avec lesquelles ils pouvaient tout acheter.

Notes
771.

Programme anti-pénurie auquel il a déjà été fait allusion au chapitre huitième ci-avant.

772.

Les produits étrangers avaient toutes les faveurs de ces nouveaux riches qui allaient, sinon imposer leur modèle de consommation, du moins en faire la référence. Il était devenu courant d’entendre un commerçant vanter son produit par ces seuls mots : « il est de là-bas » voulant désigner par là l’étranger.

773.

Estimée à 28,5 millions en 1995.

774.

Intitulé: Croissance, emploi et réduction de la pauvreté (rapport principal et annexes), 20 janvier 1999.

775.

Page ii.

776.

Page iv du rapport.

777.

Id. p vii.

778.

Intitulé Staff Report for the 2002 Article IV Consultation, 22 Janvier 2003.

779.

Page 25.

780.

Page vii.

781.

Algérie, stabilisation et transition à l’économie de marché, Washington 1998.

782.

La zakat est une sorte d’impôt religieux qui n’a rien de légal mais dont certaines personnes fortunées se font un point d’honneur de s’acquitter en le versant directement aux personnes nécessiteuses tout en cherchant à se soustraire par tous les moyens à l’impôt légal.

783.

F. Engels, La question du logement, Ed. Sociales 1976, Collection « Classiques du marxisme », p 43. L’auteur écrit : « Dès le début, nous avons vu que cette prétendue « productivité du capital » n’est rien d’autre que cette qualité qui lui inhérente (dans les conditions sociales actuelles sans lesquelles il ne serait d’ailleurs pas ce qu’il est) de pouvoir s’approprier le travail non payé des travailleurs salariés.

784.

On entend souvent dire par des salariés au sujet de leur manque d’entrain au travail : on fait semblant de me payer, je fais semblant de travailler.

785.

Tous les chiffres et citations mentionnés ci-dessus sont tirés du rapport de la Banque Mondiale page 1 et suivantes.

786.

Page 32.

787.

Rapport en date du 29 janvier 1999 intitulé « Les droits de l’Homme et l’extrême pauvreté » où la précarité est définie comme suit : « la précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux […] ».

788.

Démocratie et développement, un diptyque ambigu. Texte ronéoté. 1992.

789.

Une loi de 1986 enjoignait aux salariés de racheter leur retraite au taux de salaire du dernier mois travaillé, ce qui revenait à leur faire débourser plus qu’ils peuvent jamais espérer recevoir de la Caisse des retraites au cours des années qui leur restent à vivre en tant que retraités.

790.

Cette réalité témoigne de la dégradation de la situation économique des agents de l’Etat mais elle est aussi le signe de la perte de sens des valeurs républicaines qu’on croyait fortement ancrées dans les consciences. Cette perte de sens découle en droite ligne du recul de l’Etat dans la société, recul qui n’est pas étranger au processus de libéralisation sauvage enclenché par la réforme de 1988 et accentué par le programme d’ajustement structurel de 1994.

791.

Réflexion sur la politique des revenus en Algérie. Revue Algérienne des Sciences Juridiques, Economiques et Politiques (RASJEP) – 1972 p 30.

792.

Dans la polémique qui l’a opposé en 1991 à ses détracteurs pour avoir décidé de restituer à leurs propriétaires les terres nationalisées dans le cadre de la révolution agraire, M. Hamrouche, chef du gouvernement en poste, a menacé de rendre publique la liste de tous les dignitaires du régime qui ont bénéficié des terres appartenant au fonds de la révolution agraire. Menace jamais mise à exécution.

793.

Le Budget de l’Etat ayant cette caractéristique d’être établi sur la base de prévisions de recettes pétrolières (fiscalité pétrolières), on commençait par déterminer un prix moyen sur l’année (en dollars) du baril de pétrole pour ensuite calculer le montant des recettes attendues. Mais le prix du baril de référence était systématiquement minoré. Pour l’exercice budgétaire 2000 par exemple, il était de 19 $ alors qu’en fait il s’est élevé à 26 $. On peut se poser à bon droit la question de savoir où vont les excédents de recettes ainsi engrangés.

794.

CNES, Projet de rapport sur le développement humain, 1998.

795.

CNES, Projet de rapport sur le développement humain, 2001.

796.

L’école algérienne de Ibn Badis à Pavlov. Ed. Laphonic. Alger, 1989.

797.

Page 20.

798.

Le Haut Comité d’Etat a été instauré en situation de vacance du pouvoir à la suite de la démission du Président de la République et du Président de l’Assemblée Populaire Nationale, démissions qui ont créé un vide juridique qu’on a cru pouvoir combler en instituant le Haut Comité d’Etat (HCE).

799.

Rapport Banque Mondiale p 22.

800.

Id. p