Chapitre I
L'appel des contraires

Il n’est pas aisé de cerner une définition du concept de paix, nous constatons que celui-ci est généralement défini par la négative. C’est un ‘“’ ‘rapport entre personnes qui ne sont pas en conflit’”, ce sont des ‘“’ ‘rapports calmes entre citoyens, absence de luttes, de troubles, de violences”’ ou encore ‘“’ ‘un état de calme, de tranquillité sociale’” ; c’est ‘“’ ‘la situation d’une nation, d’un Etat qui n’est pas en guerre” ’ ‘ 13 ’ ‘.’

Considérant l'étymologie, celle-ci nous indique que son origine vient de pax, de pangere : fixer, enfoncer, établir solidement, s'engager et promettre, établir un pacte. Cette approche nous révèle une triple dimension incluant : la durée, (elle est temporelle) ; un état de droit, (elle est juridique) et la notion d'éthique, (elle est réciproque). Ceci est corroboré par l'étymologie grecque : eiréné de eiro : s'engager, tenir parole, d'où viendra plus tard irénisme, qui est la doctrine qui privilégie comme valeur suprême la paix.

La paix se présente alors comme état durable volontairement institué par les différents protagonistes, se concrétisant par un contrat éthico-juridique. D'autre part, la paix peut-elle se pérenniser quand elle n'est pas proclamée, la durée étant inscrite dans son essence ? Cette paix nécessiterait l'institution d'un traité garantissant la durée et prévoyant des sanctions contre le viol des clauses. L'irénisme prétendra dans ce cas que la paix n'est pas relative à la guerre. Faute d'une institution régulatrice, la paix peut n'être en fait qu'une guerre froide ou une paix imposée par la violence. Le réveil des forces antagonistes peut sourdre peu à peu dans un processus affaibli de la paix. La guerre se présente alors comme dérèglement temporaire de la paix. Au-delà des notions de paix et de guerre, les phénomènes qui leurs sont liés semblent de même ne pas devoir être séparés : ‘"’ ‘il n'existe pas de paix pure de toute guerre’ ‘"’ 14. En conséquence, irénisme et polémologie ne diffèrent que par la priorité que les hommes accordent à l'un ou à l'autre des concepts.

Quant à la violence : étymologiquement, le mot vient du latin vis, signifiant force, violence, le terme violence apparaît au XII e siècle : violentus. C'est encore : ‘“’ ‘... une action directe ou indirecte, massée ou distribuée, destinée à porter atteinte à une personne ou à la détruire, soit dans son intégrité physique ou psychique, soit dans ses possessions, soit dans ses participations symboliques’ ‘"’ ‘ 15 ’. La violence correspond à l’abus de la force, elle est également caractérisée par les termes d’agressivité et de combativité. Elle comporte aussi le caractère de destructivité, elle est une menace à l’égard de la stabilité des relations entre les hommes. La violence peut encore être perçue comme une caractéristique de l'Etre humain, dans le sens d'une fatalité que l'histoire nous révèle. Elle est du domaine factuel et devient défi pour l’homme, car faussant le jugement, elle doit être analysée dans ses représentations et doit être dépassée dans ses a priori.

Si la violence est facile à identifier, elle est cependant difficile à définir sinon comme force brutale, irraisonnée. Elle implique l’idée d’une négation radicale par rapport à des normes établies, c’est un dérèglement de l’ordre des choses. Quant à son appréciation, celle-ci dépend des critères retenus d’une personne à l’autre, d’un groupe à l’autre ou d’une culture à l’autre, ce qui est considéré comme violent dans une culture, ne l'est pas implicitement dans une autre.

La paix ne pourrait donc pas se penser sans la guerre et la violence, celles-ci étant les révélateurs d’un dysfonctionnement relationnel où le conflit dégénère en un embrasement incontrôlé. Nous allons étudier les relations du couple guerre-paix selon trois moments représentatifs de l'histoire de la pensée humaine.

Notes
13.

- Article "Paix", Dictionnaire Robert 1995.

14.

-LEQUAN (M), La paix, Paris, GF Flammarion, 1998. 235 p. p. 14.

15.

- Michaud, (Y.), article violence , Encyclopédie Universalis, 1995.