Il n'y a pas de guerres "justes"

Certains princes pensent sans doute, afin de justifier leurs actes, qu'il y a des guerres "justes" engendrées par des "causes justes". L'humaniste quant à lui, préfère laisser la réponse en suspens, car en fait nous dit-il : ‘"’ ‘A qui sa propre cause ne semble-t-elle pas juste ?’ ‘"’ ‘ 95 ’ ‘.’

Il préfère se référer à l'Evangile et ne point juger, il met simplement en contraste les lois pontificales, qui ne réprouvent pas toutes les guerres, avec les enseignements de Jésus-Christ, qui prouvent le contraire en proposant la Paix et l'amour du prochain. Erasme déplore que l'autorité de Jésus‑Christ ait moins de poids que celle "d'Augustin ou de Bernard" qui eux, approuvent quelquefois la guerre.

Maniant la rhétorique avec élégance, Erasme met en relation ‘"’ ‘certains arts (qui) ne sont pas admis par les lois, parce que trop apparentés à de l'imposture’ ‘"’ ‘ 96 ’ ‘,’ avec les guerres auxquelles s'appliqueraient bien plus justement ces mesures97.

Le rôle des prêtres est d'assurer l'enseignement de " l'esprit du peuple comme celui du Prince". Cependant, certains Prêtres et Evêques sont présents, ainsi qu'il le fait remarquer, sur les champs de bataille et "Pire encore, le Christ est présent dans chacun des deux camps, comme si il se combattait lui-même"98. Alors que nulle part dans la doctrine de celui-ci on ne peut citer un passage favorable à la guerre.

Il faut extirper le mal, les sentiments d'agressivité et la violence de l'esprit des hommes. Il faut faire émerger la prédominance de la raison dans les décisions et les actions de tout homme et a fortiori chez un Prince, celui-là même qui a la responsabilité de ceux qu'il gouverne. Dans l'Europe d'alors, le nom de Chrétien, qui est commun, doit permettre le rapprochement des hommes les uns avec les autres. ‘"’ ‘ Pourquoi cette stupide diversité de noms’ ‘ 99 ’ ‘ nous divise-t-elle davantage que ne nous unit le nom de Chrétiens’ ‘"’.

L'humaniste hollandais, exprime ici non seulement son universalisme mais également son aversion pour les nationalismes et la haine entre les peuples : ‘"’ ‘... quand chacun s'occupe de ses ’ ‘propres affaires, que les pontifes et les évêques sont torturés par la soif de domination et de richesses, que les princes foncent tête baissée, portés par l'ambition ou la colère, que tous leur font des grâces dans l'espoir d'un profit, c'est apparemment sous la conduite de la folie que nous nous précipitons dans la tempête ! Si nous traitons au contraire nos affaires communes en prenant une commune résolution, même nos affaires privées seraient plus florissantes. Mais en fait, même nos buts de guerre seraient anéantis’ ‘"’ ‘ 100 ’ ‘.’

Nous trouvons là un écho des tribulations auxquelles sont soumis les hommes dans notre monde contemporain ; nombre de guerres sont actives actuellement.

Notes
95.

- Op. Cit. p. 191

96.

- Erasme nomme ici l'Astrologie et l'Alchimie.

97.

- Cf. p. 191

98.

- Ibid.

99.

- Il 'agit ici des familles princières et des royaumes.

100.

- Ibid.