L'Evangile semence de paix

Entreprendre une guerre : ‘"’ ‘rien n'est plus impie, plus calamiteux, plus largement pernicieux, plus obstinément tenace, plus affreux, bref, plus indigne de l'homme, pour ne pas dire d'un chrétien’ ‘"’. A propos de l'homme, l'humaniste écrit encore : ‘"’ ‘... la nature, ou plutôt Dieu, a créé cet être tel non pas pour la guerre mais pour l'amitié’ ‘"’ ‘ 108 ’ ‘.’

Par ailleurs, la nature, entendons là également Dieu dans la lecture d'Erasme, répartit les dons, tant du corps que de l'esprit entre tous les hommes, ce qui permet à chacun de trouver chez l'autre des qualités à aimer, à encourager, voire à adopter, pour l'utilité qu'elles procurent à l'homme, qui a choisi d'œuvrer en vue de son accomplissement d'être humain et de chrétien.

Les hommes, sont tous solidaires au sein d'une même communauté, il est indispensable qu'ils coopèrent ensemble pour que l'entente mutuelle permette l'installation d'une paix positive.

La paix négative étant l'état de non-guerre, à l'inverse la paix positive est la situation d'harmonie où chacun trouve sa place au sein de la communauté humaine.

Enfin la nature ‘"’ ‘... ajouta à son œuvre une étincelle d'esprit divin, qui fait que, même sans en attendre une récompense, rendre service à tous lui plaise en soi... Ainsi l'homme est cher à l'homme’ ‘"’ ‘ 109 ’ ‘.’

Ainsi présenté au lecteur, l'homme est une partie d'un tout, qui est le même corps, dont la tête commune est le Christ110. Dès lors il est aisé de comprendre qu'un membre ne combat pas un autre membre qui participe du même corps. Comment se pourrait-il concevoir qu'un peuple chrétien combatte contre un autre peuple chrétien, sinon que l'expression de la folie et de l'irraison la plus grégaire règne dans l'homme, en toute méconnaissance de son origine divine de créature, à l'image de Dieu ?

Les princes, dont la position de pouvoir s'exerce sur beaucoup d'hommes sont de ce fait, ‘"’ ‘... des seigneurs grossiers de notre temps qui, n'ayant d'humain que la forme, n'hésitent pas à se prendre ’ ‘pour des dieux ’ ‘"’ ‘ 111 ’ ; alors que l'homme doit faire preuve d'humilité, faire retour sur ses origines car sinon, ‘"’ ‘ ... que peuvent voir les yeux quand l'âme est absente ? ’ ‘"’ ‘ 112 ’ ‘.’

Il est donc impératif pour l'homme, de raisonner sur sa nature, de référer sa pensée et son action à l'Evangile, où le christ nous est montré selon Erasme comme le maître de la paix. Maître, non pas en tant que possesseur de celle-ci, mais comme éducateur, pédagogue, celui qui montre la manière et le chemin pour accéder à l'état de paix.

Ainsi, il faut aimer son prochain, comme son propre frère, nonobstant le fait qu'il soit un ennemi. Si nous ne procédons pas de la sorte, nous dit Erasme, nous nous livrons à des guerres fratricides, puisqu'elles sévissent entre chrétiens.

Notes
108.

- Op. Cit. p. 113

109.

- Op. Cit. p. 114

110.

- Op. Cit. p. 128. Il s'agit ici du corps mystique et de la conception érasmienne de l'Eglise.

111.

- Op. Cit. p. 122

112.

- Op. Cit. p. 119