L'accès à la sagesse et à la paix nécessite l'autonomie

L'exercice de la raison, oriente la nature humaine en lui ménageant un espace de réflexion portant sur l'homme et son humanisation ; le refus de dogme, assure l'exercice du libre-arbitre quant aux choix possibles que l'homme doit opérer. Le prolongement, par la volonté du choix du bien, ou du mal, constitue l'autonomie de cette dernière.

Le choix et le jugement entre le bien et le mal, constitue donc : ‘"’ ‘l'autonomie du sujet (et) se situe au niveau du jugement, si l'on entend ainsi la capacité de prévoir et la capacité de choisir’ ‘"’ ‘ 151 ’. C'est en ce sens qu'Erasme prône l'autonomie, ce qui implique de fait, que l'homme se situe dans une zone d'incertitude face à ses choix, s'il n'a pas au préalable reçu l'entraînement éducatif nécessaire.

La loi, est un donné, face auquel la volonté individuelle doit s'incliner. Elle est le bien individuel, voulu par l'homme lui-même et pour l'ensemble des hommes.

Pour l'homme, l'exercice dialectique, qu'il mène entre son état de nature et l'exercice de sa raison, consiste dans le champ éducatif à prendre le recul nécessaire ce qui lui permet une vision plus globale des êtres et des choses. Il prend la mesure de la vie par une vision d'ensemble de celle‑ci, ainsi que des drames qui sont susceptibles de se jouer s'il n'est pas vigilant.

Acquérir plus d'autonomie, n'est pas synonyme d'indépendance. En effet, l'homme, dès qu'il vit en société, n'est pas indépendant des autres hommes. Il dépend de ses pairs et inversement, les autres hommes dépendent de lui. Un gain en sagesse, place l'homme sur la voie qui le conduit par l'autonomisation à plus d'humanité.

Nous référant aux propos d'Erasme, l'autonomie152, pour un chrétien représente le fait de sentir "vivre sa foi" de manière solidaire des autres hommes. Les différences apparentes, sont uniquement celles du monde visible, d'où la nécessité d'aller, ainsi que l'écrit l'auteur, du domaine du visible, à celui de l'invisible, ‘"’ ‘il faut, écrit-il, toujours t'efforcer de passer du visible, qui d'ordinaire est imparfait et médiocre, à l'invisible, selon la division de l'être humain établie plus haut’ ‘"’ ‘ 153 ’ ‘.’

Par ailleurs, et paradoxalement, l'homme devient plus sage, s'il laisse une certaine place à ses illusions154. Sans les illusions il ne peut pas vivre, nous dit Erasme, et ce, parce que la vie lui serait insupportable. Nous l'avons vu par exemple à propos des dogmes, réducteurs de la progression possible vers l'état d'humanité en l'homme.

La sagesse n'est pas dénoncée chez Erasme, quand par exemple, la "folie" prend la parole. Ce que l'humaniste dénonce, ce sont les hommes qui prétendent incarner la sagesse et qui trahissent celle-ci par leur dogmatisme.

Erasme, n'est pas non plus déterministe. Le champ des possibles, qui est offert à l'homme est un domaine ouvert, un domaine où il peut réaliser son humanité, mais non d'une façon indépendante de celle des autres hommes.

La morale, née d'un lent travail des cultures occidentales, de génération en génération, est marquée par le christianisme et son message de paix. Erasme pense que l'éducation à la paix exprimée par le christianisme, assure à chaque homme de se situer dans un cadre, dont les fondements sont philosophiques et religieux.

L'homme par un travail d'éducation, à la fois exogène et endogène, se libère tout en adhérant, librement aux règles de la morale humaine.

C'est grâce à ce lent travail de maturation éducatif que l'être humain est conduit à la mise en pratique du principe selon lequel, le bien collectif prime sur le bien individuel155, ce dernier n'est trop souvent, que l'expression de son égocentrisme, antinomique au bien être de tous.

Notes
151.

- Cf. article de F. BOURRICAUD, in encyclopédie universalis. L'auteur est professeur à l'université Paris IV Sorbonne.

152.

- Erasme ne nomme pas explicitement l'autonomie, cependant cette notion est sous jacente à l'exercice du libre arbitre

153.

- distinction dont nous avons fait état précédemment et dont Erasme fait état dans son "Manuel" p. 109.

154.

- Cf. Eloge de la folie. Op. Cit.

155.

- ERASME, (D.), La complainte de la paix, Paris, Aubier-Montaigne, 1973. p.236.