Après une longue convalescence, Célestin Freinet est nommé instituteur au Bar-sur-Loup en janvier 1920. C'est dans un monde durement éprouvé par la guerre et les privations conséquentes que le pédagogue fait ses débuts dans l'enseignement à l'école du Bar-sur-Loup dans les Alpes-Maritimes. Dans ce contexte, se développe pour Célestin Freinet comme pour d'autres enseignants le refus du bellicisme, ainsi que l'exprime le finistérien R. Daniel, ami de Freinet : ‘"’ ‘En 1920, c'était le retour de la guerre. Nous, anciens combattants, mystifiés, trompés, abusés, nous avions une revanche à prendre et peut-être nous n'avions pas conscience de cela à ce moment-là, mais je crois que beaucoup de camarades sont partis en 1920, en entrant dans leur carrière, avec cette résolution-là : il ne faut pas que cela se renouvelle, il ne faut pas que la génération à venir connaisse cette horreur que nous avons connue’ ‘"’ . 0-00-00T00:00:00 ‘ 360 ’.
Pour Daniel comme pour Freinet, la société, est responsable des faits de guerre et plus particulièrement la société capitaliste. Les hommes qui partaient à la guerre pensaient défendre la patrie, mais était-ce bien de cette réalité là qu'il s'agissait ? Ceux qui sont revenus de cette "farce sanglante"361 en doutent, Célestin Freinet et René Daniel particulièrement : ‘"’ ‘On se répétait la phrase d'Anatole France : on croit mourir pour la patrie, et on meurt pour les industriels’ ‘"’ ‘ 362 ’ ‘.’
Une réorganisation sociale s'impose donc et c'est par la base que doit débuter cette transformation et principalement par la rénovation de l'éducation.
C'est à la fin de l'année 1926 que Célestin Freinet adhère au parti communiste français, il y restera jusqu'en 1948, date à laquelle le couple Freinet ne reprend pas sa carte du parti363. Etre membre du Parti Communiste Français à cette époque présente une toute autre signification que celle des années qui ont suivi. En effet, à cette époque l'appareil qui bientôt allait installer un dogme au profit du collectif, contre l'émancipation de l'individu, n'était pas encore mis en place. Célestin Freinet croit avec d'autres, comme Wallon, à la transformation sociale par ‘"’ ‘l'avènement d'une société sans classes. Cette croyance, qui s'appuie pour tout un chacun à l'époque sur la révolution russe, ne se limite pas à un souhait théorique. Elle s'accompagne (...) d'une action délibérée en ce sens. Cette action utilise (comme instrument) : l'Ecole’ ‘"’ ‘ 364 ’.
- Interview de R. Daniel, 1988 cité par Henri Peyronie in Quinze pédagogues, leur influence aujourd'hui, Paris, Armand Colin, 1994. p.213.
- Ces propos sont de René Daniel, dans Les amis de Freinet en 1990.
- Nous reprenons ici la citation qu'écrit Freinet dans un texte d'après guerre (Congrès de Montpellier en 1951 qui avait pour thème : La paix). Cette citation est également faite par René Daniel lors de son interview avec Michel Launay dans Les amis de Freinet en 1990. Nous précisons par ailleurs que nous n'avons pas eu la possibilité de vérifier l'exactitude des propos prêtés à Anatole France.
BRULIARD (L.) & SCHLEMMINGER (G.), Le mouvement Freinet des origines aux années quatre-vingt, Paris, L'Harmattan, 1996. 248 p. p. 179.
- Maury (L.),Freinet et Wallon, in Le centenaire de Célestin Freinet, Cahiers Binet-Simon, N° 649 1996 n° 4, p. 8. Notons que Wallon s'oppose à Freinet à propos de l'Essai de psychologie sensible de ce dernier qui n'est pas, selon lui, caractérisé par l'aspect scientifique de ces "lois".