Le "ralliement"

En juin 1944, nous retrouvons Freinet rejoignant le maquis de Béassac, près de Vallouise dans les Hautes-Alpes, où il eut sans doute pour responsabilité essentielle l'approvisionnement, même s'il écrit : ‘"’ ‘j'ai (pendant cette période) une part directe et décisive dans toutes les opérations de guerre dans la région...’ ‘"’ ‘ 386 ’ ‘.’

Cette tâche organisatrice, il la poursuit au Comité Départemental de la Libération de Gap. Dès le 15 février 1945 l'Educateur "ressuscite" selon son expression. Dans un long article "Ralliement", il reprend le flambeau du mouvement de l'école moderne, annonçant la prochaine parution des ouvrages qu'il a écrits ou préparés lors des années de silence forcé par la clandestinité. En 1949387 lors de prémisses de la guerre froide, Célestin Freinet fait entendre sa voix en faveur de la paix. Une nouvelle caractéristique se fait jour, porteuse d'un péril redoutable pour l'humanité, il s'agit cette fois de la menace nucléaire.

Il n'y a pas de transaction possible entre les forces de paix et de guerre alors que les ‘"’ ‘grandes forces nationales... recommencent..’ ‘"’, le combat pour la paix est urgent, tous les hommes doivent participer " au vaste mouvement pour la paix et la liberté". Les éducateurs ont le devoir élémentaire "d'être à l'avant-garde de cette lutte". Il ne suffit pas de se payer de mots, il est urgent que la pédagogie se saisisse d'une éducation à la paix. Les enfants d'alors, ceux qui ont connu et souffert la guerre seront ‘"’ ‘dans cinq ou dix ans la relève que nous attendons, et qui seront, alors, ce que nous les aurons faits’ ‘"’. Et, quand ces jeunes seront adultes, ‘"’ ‘les problèmes de la guerre et de la paix ne seront malheureusement pas encore tous résolus, et la lutte pour la paix, comme l'action sociale seront alors en fonction de l'éducation qui aura préparé nos enfants d'aujourd'hui, les citoyens de demain’ ‘"’ ‘ 388 ’ ‘.’

Pour ce faire, il est indispensable, outre la nécessité des acquisitions techniques auxquelles se doit l'école vis à vis de la formation de la jeune génération, d'armer ‘"’ ‘l'enfant pour le rôle social, coopératif et communautaire qu'il aura à jouer, même et surtout s'il doit pour cela lutter et vaincre’ ‘"’.

Les responsables de la situation sont, selon Célestin Freinet, l'intellectualisme, la pédagogie traditionnelle et la passivité qu'elle engendre. En première réaction à cela, il faut établir un " plan quinquennal de l'éducation... de la paix" pour s'opposer aux " criminelles forces de guerre". Des hommes "subtils et courageux" doivent être les premiers de "la grande armée pacifique des éducateurs du peuple" ainsi, ensuite, selon Célestin Freinet, le "frémissement de la paix s'amplifiera"389.

Notes
386.

- "Ralliement", Educateur , février 1945. Fac-similé in Les amis de Freinet et de son mouvement N° 39 p. 46.

387.

- "Forger la paix", in Educateur du 1er avril 1949. Fac similé in Les amis de Freinet et de son mouvement N° 39 p. 50.

388.

- Ibid.

389.

- Le frémissement de la paix in Les dits de Mathieu. L'éducateur 01/04/1949.