Un congrès pour la paix

Le 3 septembre 1936 à Bruxelles, Maria Montessori prononce une conférence devant le Congrès Européen pour la Paix, elle s'exprime d'entrée ainsi : "les meilleurs hommes du monde" sont réunis pour "s'attaquer à un problème d'importance vitale des plus urgents"464.

Outre le fait que pour Maria Montessori, la paix ne peut résulter uniquement que d'un commun accord, il faut travailler selon elle dans deux directions : les conflits doivent être résolus sans recours à la force, il faut donc empêcher la guerre en premier lieu ; c'est ensuite un effort de longue haleine qu'il convient d'engager ‘"’ ‘pour établir une paix durable parmi les hommes’ ‘"’ ‘ 465 ’. Les hommes politiques ont la responsabilité d'éviter les conflits ; par contre, établir une paix durable est du ressort des éducateurs. Construire la paix doit reposer sur des fondations engendrées par un effet issu d'un effort collectif et universel. C'est l'humanité entière qui doit être convoquée, de plus l'éducation à la paix ne saurait se réduire uniquement à un enseignement qui serait donné dans les écoles. C'est une réforme universelle qu'il est nécessaire de réaliser, chaque être humain doit accéder à une conscience plus claire de la mission de l'humanité qui doit contribuer à améliorer la situation sociale. Pour ce faire, les hommes doivent lever leur ignorance sur deux plans : celle, qui pour l'homme concerne sa propre nature, que Maria Montessori qualifie de divine, et celle qui concerne la connaissance des mécanismes sociaux qui conditionnent les intérêts des hommes ainsi que leur survie à court terme.

Les conditions de vie et leur évolution rendent l'humanité solidaire de fait en ce qui concerne les intérêts matériels, l'homme doit de ce fait être éduqué pour faire face aux nouvelles conditions de vie qui sont désormais les siennes.

Ainsi, les hommes se doivent d'acquérir de nouveaux modes de comportements et particulièrement en ce qui concerne l'attachement à des "groupes nationaux", car selon Maria Montessori, s'ils conservent une telle attitude, ils risquent fort que les groupes en question se détruisent les uns les autres.

Les changements caractéristiques liés à la vie moderne font que ‘"’ ‘la guerre est aujourd'hui sans objet et ne peut apporter aucun avantage matériel’ ‘"’ ‘ 466 ’. Un pays appauvri par une guerre ne rend pas pour autant l'autre plus riche. Fort du fait que selon Montessori ‘"’ ‘nous sommes devenus un organisme unique, si un membre de cet organisme, une nation, est appauvrie, c'est l'ensemble de l'humanité qui est pénalisée’ ‘"’.

L'homme s'est acquis le pouvoir sur la nature, en conséquence, il doit s'élever au dessus de sa condition naturelle, il est devenu ‘"’ ‘un citoyen du monde, un citoyen de cette grande nation qu'est l'humanité... citoyen de ce monde nouveau, citoyen de l'univers’ ‘"’ ‘ 467 ’ ‘.’ De ce fait, il est clair désormais pour Maria Montessori qu'on ne saurait devoir continuer à maintenir l'existence séparée de "nations" ayant des intérêts divergents.

Les frontières et les douanes qui y sont attachées n'ont plus de raison d'exister. C'est déjà ce que proposait Erasme de Rotterdam au XVIe siècle dans sa quête d'un monde où régnerait la paix. Cependant, si comme l'écrit Maria Montessori, les idées circulent d'un bout à l'autre de la planète, les faits nous prouvent que les hommes ne sont pas décidés à vivre dans la paix pour autant. Trois ans après cette conférence, en effet, éclate la seconde guerre mondiale.

Depuis les temps les plus reculés auxquels nous ayons accès historiquement ‘"’ ‘la personnalité humaine est demeurée ce qu'elle était dans le passé. Au niveau de son caractère et de sa mentalité ; l'homme n'a pas changé’ ‘"’ ‘ 468 ’ ‘.’ Il n'a pas grandi intérieurement au rythme des progrès qu'il a accompli du point de vue matériel, ses spécificités demeurent et génèrent des situations conflictuelles qui se réitèrent au cours des siècles.

Notes
464.

- Ibid. p. 47.

465.

- Ibid.

466.

- Ibid. p. 48.

467.

- Ibid. p. 49.

468.

- Ibid. p. 50.