Construire la paix

L'éducation est la meilleure arme pour construire la paix, mais uniquement lorsqu'elle aura intégré les progrès de la science impliquant le développement spirituel de l'homme. Il s'agit pour Montessori que l'homme renforce sa valeur personnelle, en d'autres termes, qu'il soit ‘"’ ‘capable de maîtriser l'environnement mécanique qui l'opprime’ ‘"’ ‘ 469 ’ ‘.’

Maria Montessori se refuse à traiter de question politique, son champ d'approche du problème est celui du vitalisme, l'homme est avant tout en rapport avec le divin, selon elle ‘"’ ‘l'homme est grand parce qu'il peut percevoir les émanations du divin’ ‘"’ ‘.’ Avant que d'être un homme, si l'enfant est placé dans des conditions qui lui laissent la liberté du développement de sa nature profonde dans un environnement favorable, il ‘"’ ‘développe progressivement dans son âme [l'instrument] destiné à recevoir les ondes sacrées transmettant l'amour divin au travers des sphères infinies de l'éternité’ ‘"’ ‘ 470 ’ ‘.’ Le mal viendrait en fait de ce que l'adulte ne comprend pas l'enfant, ‘"’ ‘les parents, inconsciemment, luttent contre leurs enfants au lieu de les aider dans leur mission divine’ ‘"’ ‘ 471 ’. Cette incompréhension que manifestent les adultes face aux potentialités de l'enfant porte selon Maria Montessori "la tragédie du cœur humain"472, ce qui engendre à l'avenir insensibilité, paresse et même criminalité.

L'enfant et l'adolescent ne peuvent développer leur sens moral et celui de la discipline uniquement s'ils ont eu la chance de s'engager dans une véritable vie sociale. La personnalité d'un individu ne se formerait que par l'action des expériences individuelles et à un degré moindre collectives au sein de la classe, d'où la nécessité pour Montessori de créer un environnement qui assure les possibilités de ces expériences formatrices.

Les propositions de la pédagogue dans ce domaine précis trouvent leurs prolongements dans les préoccupations actuelles, François Galichet473 fait remarquer qu'au delà des droits fondamentaux reconnus à l'enfant, qui sont ceux de la personne humaine et des droits "passifs", tels que protection, sécurité et intégrité tant philosophique que psychologique, l'enfant devrait pouvoir bénéficier de droits actifs tels que le droit d'expression, d'association, d'opinion et de croyance.

Ainsi repensée, l'éducation légitimerait le concept "d'enfant citoyen". Il s'agirait d'une éducation à la citoyenneté par l'action effective de la capacité citoyenne exercée au travers de droits actifs et reconnus par la communauté adulte à l'enfant.

Le monde des adultes est un monde de production ; pour Maria Montessori, l'enfant puis l'adolescent ne devraient être mis en contact avec ce monde particulier uniquement après qu'ils aient fait l'apprentissage par l'expérience. Afin d'acquérir cette expérience, le jeune devrait être guidé en vue d'une prise de conscience de ses responsabilités en matière d'organisation sociale reconnue de droit. Les différents stades qui marquent les grandes étapes du développement de l'enfant à l'homme doivent faire l'objet d'une série d'expériences adaptées et progressives sur laquelle reposerait l'organisation harmonieuse de la société. A l'époque où Maria Montessori donne ses conférences, en 1937, elle fait remarquer que ‘"’ ‘les pays qui veulent la guerre préparent les jeunes à la guerre, mais (que) ceux qui veulent la paix ont négligé les enfants et les adolescents, car ils sont incapables de s'organiser pour la paix’ ‘"’ ‘ 474 ’ ‘.’

Le schéma dont fait état Montessori a évolué dans les pays industrialisés depuis les années 1930 et particulièrement en France, constatons-le avec la récente suppression du service militaire obligatoire. Cela pose une série d'autres problèmes notamment en ce qui concerne l'insularisation des forces armées et leur déconnexion des relations entretenues avec le peuple. Il s'agit d'une déritualisation qui n'est sans doute pas sans conséquences du point de vue d'une implication sociale et politique de la part du citoyen.

Bien que Maria Montessori affirme que ‘"’ ‘la paix est un principe pratique de civilisation humaine et d'organisation sociale qui est fondé sur la nature même de l'homme’ ‘"’, cela ne peut que nous laisser interrogatifs quant à une nature humaine qui dans ses manifestations a fait jusqu'alors plus preuve de violence destructrice que de coopération et de solidarité entre les hommes.

Notes
469.

- Ibid. p. 55.

470.

- Ibid. p. 56.

471.

- Ibid. p. 57.

472.

- Ibid. p. 57.

473.

- GALICHET, (F.), L'éducation à la citoyenneté, Paris, Anthropos, 1998. p. 105.

474.

- MONTESSORI, (M.), L'éducation et la paix, Paris, DDB, 1996. p. 58.