L'enfant bâtisseur de l'humanité

Lors du sixième congrès international de Copenhague en 1937, Maria Montessori reprend ses thèmes récurrents : l'objectif fixé est ‘"’ ‘d'aider le monde des adultes à connaître, aimer et mieux servir l'enfant, et par là, d'aider toute l'humanité à progresser dans son développement’ ‘"’ ‘ 475 ’ ‘.’L'enfant, qui deviendra l'adulte, demain, doit être considéré comme le bâtisseur de l'humanité et reconnu comme "notre père". En ce sens, il est le maître qui nous enseigne et, l'éducation des adultes consistera à reconnaître cette vérité afin que les comportements changent à l'égard des nouvelles générations.

Les contraintes qui pèsent sur l'enfant sont également d'ordre familial, ainsi lorsque les parents considèrent l'enfant comme une tabula rasa passive qui serait dépourvue d'orientations intérieures et le contraignent à se plier aux volontés de l'adulte et de son monde. Dès lors, pour Maria Montessori, un système de défenses se met en place chez l'enfant, qui viendra installer à terme une résistance instinctive que la doctoresse italienne qualifie "d'irréductible" et qui risque fort, selon elle, de ‘"’ ‘dégénérer en véritables maladies spirituelles’ ‘"’ ‘ 476 ’ ‘.’

Ainsi, la vie de l'homme serait marquée, alors même qu'il entre dans le monde, par une lutte entre l'adulte et l'enfant. Au cours des générations successives, l'homme demeure un être "mal développé, déformé" et nous serions loin de l'idéal que représente l'homme normal avec une personnalité équilibrée, tant du point de vue affectif que du point de vue intellectuel.

Pour Maria Montessori, l'enfant de 1937 est un "citoyen oublié", il serait urgent que la société se préoccupe de lui créer un environnement qui réponde d'une part à ses besoins vitaux et d'autre part à la libération spirituelle dont les soubassements seraient d'assurer pour l'enfant : la justice et l'amour dans l'harmonie. Cette tâche est celle dont doit se saisir l'éducation, poursuivant le but de l'avénement d'un monde nouveau sur lequel pourrait se construire la paix. Cependant, Maria Montessori reconnaît que tenir de tels propos dans l'époque troublée de 1937 "témoigne de l'idéalisme le plus naïf"477, néanmoins, cela reste la manière la plus efficace de poser les principes nécessaires à l'émergence de la paix qui s'opposerait à la guerre.

Ce ne sont plus les recherches de satisfaction des besoins premiers, nécessaires à sa survie, que l'homme poursuit en engageant des guerres, qui ne conduisent certes pas à l'amélioration de son sort final.

Ces guerres montrent a contrario que l'homme a sombré dans un état de barbarie traduisant un "désordre spirituel" qui le rend incapable de considérer les dangers encourus pour lui et les générations à venir, jusqu'au jour où, impuissant face aux événements, il n'a plus guère les moyens de réagir.

Ainsi, il ne peut y avoir un espoir de paix que s'il y a une prise de conscience de l'absolue nécessité de "diriger notre action vers l'humanité" ; cette humanité est à rechercher dans le modèle : l'enfant qui doit devenir citoyen et passer de l'oubli où il se trouve placé à la reconnaissance de la part du monde des adultes.

Les guerres incessantes que les hommes se font depuis des générations contre eux-mêmes, qualifient l'histoire humaine comme "l’âge de l'adulte" alors que, selon Montessori, la période qui verrait une ferme volonté d'entreprendre la construction de la paix serait "l'âge de l'enfant". Les lois de la vie doivent prendre le pas sur celles de la force et cela ne se réalisera qu'au travers de l'éducation reposant sur une reconstruction spirituelle.

Notes
475.

- Ibid. p. 61.

476.

- Ibid. p. 62.

477.

- Ibid. p. 62.