Un accord moral universel afin que l'homme soit normalement armé pour défendre l'humanité

Il est nécessaire de réaliser un accord moral unanime de la part de l'humanité entière afin que puisse s'établir la paix sur la terre.

La paix ne saurait être une sorte de trêve entre les nations considérées de manière isolée, il s'agit plutôt d'un mode de vie permanent qui concerne l'ensemble des peuples. Ces conceptions montessoriennes rejoignent les propos significatifs d'un projet de paix perpétuelle. Si des philosophes se sont penchés sur ce problème récurent, ils l'ont souvent fait suivant une approche philosophico-politique des relations entre états. Quant à Maria Montessori, celle-ci aborde le problème par le biais du ‘"’ ‘développement mental impliquant toute l'humanité’ ‘"’ ‘ 491 ’. Proposer d'utiliser la morale comme moyen de défense de l'humanité contre la guerre et l'esprit guerrier suppose que l'on ne se contente pas de mettre en avant un vague idéal, auquel chacun adhérerait uniquement du point de vue des idées.

Combattre l'esprit guerrier dans et par l'éducation, par exemple en enseignant l'histoire, est inadapté. A l'époque où Maria Montessori exprime ces conceptions, 1937, cet enseignement n'a pas de prise sur la situation contemporaine. Si effectivement ‘"’ ‘les guerres ne se déclenchent pas à cause des ressentiments inculqués aux enfants par l'enseignement de l'histoire’ ‘"’ ‘ 492 ’, il est néanmoins prudent d'y regarder de plus près. Dans l'exemple de la première guerre mondiale, le rôle de la politique de l'enseignement de l'histoire et de la morale patriotique à été déterminant pour la préparation en France notamment pour toute une génération, à la nécessité qu'un jour la guerre devrait être faite au voisin, ennemi diabolisé, au nom de la nation mise en péril par celui-ci. Un esprit de revanche a bien été relayé par l'enseignement de l'histoire appuyée par la morale distordue et manipulée dans un but très précis.

Deux ans après cette conférence de Maria Montessori où elle dit que la haine n'est plus ce qui pousse les hommes à faire la guerre, cela sera contredit dans les faits par le début des exactions du national-socialisme mené par Hitler. En 1937, la pédagogue voit dans la création d'une science de la paix la solution aux risques de guerre entre les nations. Selon elle, cette science devrait se doter de deux objectifs : d'abord il faut être conscient du fait qu'un nouveau type d'enfant est né grâce aux actions des écoles montessoriennes. Ces écoles ont mis à la disposition de ces enfants les moyens nécessaires à leur développement "normal".

C'est ainsi que Maria Montessori en conclut que l'homme est différent de ce que l'on croyait qu'il était. Or, est-ce suffisant pour approcher la connaissance des ressorts des comportements humains, de considérer que la mise en place de conditions favorables au développement de l'être humain, dans un lieu où il ne rencontre pas de conflits, assure la construction d'un adulte qui ne sera pas enclin à la violence et à la guerre  ?

Le second objectif présenté pour le développement d'une science de la paix est que l'humanité serait devenue une "nation unique"493 du point de vue économique et intellectuel. Si effectivement une certaine interdépendance entre les différents peuples de la planète s'est développée, ce qui actuellement est encore plus prégnant en ce début de XXIe siècle qu'à l'époque où se tiennent ces conférences, force est de constater que cela n'empêche pas les violences de toutes sortes et les guerres.

On sait, et l'histoire nous le montre encore aujourd'hui, que les nationalismes, exacerbant le refus de la différence, ne demandent que quelques modifications structurelles pour ré-émerger et qu'à terme des processus guerriers se déclenchent. Maria Montessori est consciente des phénomènes nationalistes et de leurs conséquences, elle voit dans leurs résurgences l'absence de fondement moral qui assurerait l'étayage des liens entre les nations, qui garantirait une paix durable.

Deux mouvements sont en présence, le nationalisme d'une part et l'internationalisme d'autre part.

Le constat de Maria Montessori est que pour l'un comme pour l'autre de ces deux mouvements, nationalisme et internationalisme, ceux-ci ‘"’ ‘s'efforcent semblablement d'endoctriner tant les enfants que les adultes’ ‘"’ ‘ 494 ’ et choisir entre l'un ou l'autre reviendrait "à choisir entre la peste et le choléra", alors qu'il est urgent de rechercher un état de bonne santé !

Sous l'action des progrès de la science, les intérêts de l'humanité se sont peu à peu unifiés, mais parallèlement des erreurs ont été commises qui ont pour résultat essentiel que l'homme se dresse contre l'homme dans un esprit de compétition grandissant. L'éducation est blâmable en ce sens qu'elle n'a pas su corriger ces méfaits dès la plus jeune enfance. Quand l'adulte ainsi formé, nous dit Montessori, est au contact avec les événements de la vie, ce sont eux qui le maîtrisent et non pas l'inverse comme on serait en droit de l'espérer. L'humanité doit, pour recouvrer la santé sociale, prendre conscience de la nécessité de réaliser son unité dont les moteurs sont l'enfant nouveau dans une nation unique.

Notes
491.

- Ibid. p. 89.

492.

- Ibid. p. 90.

493.

- Ibid. p. 92.

494.

- Ibid. p. 93.