La dynamique de la vie permet à l'homme d'évoluer

Au-delà des buts qui concernent les intérêts de groupe, voire d'individu, l'humanité dans son ensemble est, selon Maria Montessori, chargée de découvrir sa mission universelle unique. Partant de l'idée que ‘"’ ‘la terre est l'œuvre d'êtres vivants’ ‘"’ ‘ 495 ’ et que chaque espèce joue un rôle déterminant, l'éducatrice entend la vie comme "une dynamique auto-entrenue".

Dans cette approche, qu'aujourd'hui nous qualifierions d'écologique, l'homme a lui aussi un rôle à tenir dans cet ensemble, celui-ci est particulier, compte tenu de son intelligence.

Par son évolution, cet homme a développé un état de supernature à partir de sa nature originelle et frustre, cela, c'est la science qui le lui a permis et lui permet encore aujourd'hui de poursuivre son développement. L'homme ne vit plus dans la nature mais au sein de la supernature qu'il a créée, et si le mode de vie peut paraître artificiel, il est simplement le résultat de notre travail créateur.

Chez certaines colonies d'animaux, particulièrement chez les insectes, les individus travaillent de manière mécanique, l'élément moteur telle la reine chez les abeilles, orchestre l'ensemble des tâches qui assurent la survie de la colonie. Or, si des animaux travaillent avec tant d'entrain, pourquoi alors, interroge Montessori, les hommes ne prennent-ils pas plaisir à travailler ? Leur malheur en fait viendrait de ‘"’ ‘vices intrinsèques, résidant dans l'organisation de la société humaine et dans la supernature que l'humanité a construite’ ‘"’ ‘ 496 ’.

L'homme semble se débattre dans sa création de "supernature" et sa survie physique est vécue comme un problème. L'humanité, à l'instar d'un organisme, est malade, cependant que l'ensemble des hommes poursuit l'œuvre créatrice, y compris à son insu, et cette humanité est désormais ‘"’ ‘unifiée comme une nation unique’ ‘"’.

Pour se libérer de ces contraintes, l'homme doit prendre conscience de ses pouvoirs sur sa destinée, il doit développer les moyens de communications et d'échanges. Notons que depuis cette époque, 1937, ces moyens de communications et d'échanges se sont considérablement développés, cependant nous pouvons douter que les relations entretenues entre les hommes aient été radicalement modifiées.

Depuis cette époque, la seconde guerre mondiale a une fois de plus entraîné les hommes dans une nouvelle catastrophe et depuis la chute du communisme de nouvelles formes de guerres sont apparues qui cette fois concernent plus directement les civils impuissants et souvent innocents. Le paysage belliciste de la dernière décennie a été transformé que ce soit en Europe centrale ou en Afrique, les conflits éclatent un peu partout. On assiste à une résurgence des ethno-nationalismes qui visent à développer des guerres dont un des buts est l'extension territoriale.

Suffirait-il, comme le préconise Maria Montessori, de construire un environnement favorable aux besoins des jeunes et que l'éducation s'appuie sur de telles structures pour que, dans son ensemble, l'humanité accède à un état de paix ? Ce qui a été pensé et réalisé pour les plus jeunes dans les écoles montessoriennes devrait être, pour l'éducatrice, envisagé puis réalisé pour les plus grands. Si les "petits" s'insèrent au sein d'une "maison des enfants", un type de structure analogue serait à envisager, s'ouvrant sur l'extérieur, pour les plus grands, qui ont eux des besoins différents.

Ils ont besoin "d'explorer le monde"497, leur horizon social doit s'élargir dans des efforts authentiques, qu'ils réaliseraient avec d'autant plus de motivation s'ils pouvaient assumer l'affirmation de leur personnalité. Dans ce but, la société doit assurer un rôle majeur, ‘"’ ‘il est vital que l'organisation de la vie des jeunes soit prise en charge par la collectivité’ ‘"’. Dès l'âge de douze ans, l'enfant devrait avoir la possibilité de s'insérer de manière active dans la vie sociale ; cela s'entend pour Montessori du point de vue du travail. Le jeune devrait pouvoir produire et vendre ‘"’ ‘non pour apprendre un métier, mais parce que le travail est une entrée en contact avec la vie, une participation à l'unification de la supernature’ ‘"’ ‘ 498 ’ ‘.’ Avant d'entrer dans la production industrialisée, la fabrication de "beaux objets"pourrait être confiée aux jeunes. Mais, dans ce cas où est le rôle majeur de l'expérience liée à la durée qui assurent à l'artisan la maîtrise de la matière et des gestes afférents ? Ce n'est guère envisageable de la part des jeunes, les objets ainsi fabriqués n'auraient en aucun cas, à quelques exceptions près, la facture de ceux réalisés par des artisans, formés dans la durée, à la maîtrise de leur art.

Il n'en demeure pas moins que, maîtres de responsabilités sociales spécifiques qui leur seraient reconnues, les jeunes prendraient conscience plus pleinement du rôle qu'adultes ils auraient à tenir dans la communauté humaine.

L'adolescent doit avoir la possibilité d'aller s'immerger dans le monde, comme Emile pour Jean-Jacques Rousseau. Maria Montessori prend pour exemple Jésus-Christ, qui avant de débuter sa mission s'est isolé. Ne s'est‑il pas isolé au désert nous dit la Bible ? De manière analogue les jeunes devraient avoir la possibilité de méditer à propos de leur mission afin d'en ressentir la grandeur.

C'est une période essentielle aux yeux de l'éducatrice italienne, qu'elle nomme "la période du désert"499.

Parvenu à l'âge adulte, le jeune devrait toujours rechercher "l'universalité jusqu'au jour où il meurt", ainsi, "conscient de sa mission dans le cosmos", il sera capable de construire un monde pacifique.

Notes
495.

- Ibid. p. 96.

496.

- Ibid. p. 97.

497.

- Ibid. p. 99.

498.

- Ibid. p. 88.

499.

- Ibid. p. 100.