"Ma méthode"

Maria Montessori affirme qu'elle n'a pas à proprement parler de méthode d'éducation. Selon elle, sa démarche est fondée sur la psychologie de l'enfant et sur cette dernière repose les actions pédagogiques et éducatives qu'elle met en place. Alors que toute méthode éducative repose sur des travaux d'adultes qui fixent des programmes d'études, Montessori ‘"’ ‘est persuadée que c'est l'enfant lui-même qui doit être le pivot de son éducation’ ‘"’ ‘ 505 ’ ‘,’ et, lorsqu'elle parle de l'enfant, il ne s'agit pas de l'enfant "tel que les gens le voient", mais ‘"’ ‘plutôt [de] son âme profonde, vue dans une perspective sans précédent avant l'avènement de ce qu'on a appelé la méthode Montessori’ ‘"’ ‘ 506 ’ ‘.’ Avec le temps les conceptions éducatives mises en forme dans des pratiques pédagogiques par la doctoresse italienne se révèlent néanmoins être constitutifs d'une méthode.

Afin d'assurer le développement de l'enfant, il convient de prendre en compte deux facteurs essentiels : en premier, créer un environnement répondant aux besoins de l'enfant, du point de vue physique, intellectuel et spirituel ; en second, assurer à l'enfant la possibilité d'agir librement afin qu'il puisse trouver les motivations pour des activités constructives qui correspondent à ses besoins en développement. Les adultes qui sont des guides au contact de l'enfant, doivent avoir une connaissance parfaite des lois qui gouvernent ce développement et ceux-ci ne doivent pas surprotéger l'enfant, ni dicter des activités ou ‘"’ ‘le forcer à agir sans prendre en compte ses besoins’ ‘"’ ‘ 507 ’ ‘.’ A ces conditions seulement, l'enfant accepte le travail mais de plus, il le recherche. Dans un tel contexte, il est plus heureux quand il travaille que lorsqu'il joue, affirme Maria Montessori, il développe ainsi son observation, sa concentration, la maîtrise de son corps et son habileté en goûtant le silence. Le travail que l'enfant recherche et exécute dans de telles conditions, il le réalise en autonomie, et il ‘"’ ‘ne sent aucun besoin d'entrer en compétition avec les autres enfants’ ‘"’.

Cette dynamique serait le résultat de l'interaction entre l'enfant lui-même, son travail et son environnement. L'adulte dans ce cas adopte une position de retrait, laissant à l'enfant ses propres initiatives sa conduite lui est dictée ‘"’ ‘par les merveilleuses directives qui lui arrivent de l'intérieur et de cet environnement social qu'on a créé pour lui’ ‘"’ ‘ 508 ’ ‘.’

L'environnement social ici mis en place est artificiel, l'enfant n'a que le degré de liberté et d'autonomie qui est fixé par l'adulte, enseignant ou éducateur. Il gère sa conduite personnelle certes, ou du moins il peut la gérer cependant qu'il n'a aucune action possible sur des fonctions sociales au sein de la structure mise en place. Tout se passe ici comme si les structures fonctionnelles gommaient les risques de conflits.

Nous retrouvons, à l'origine des conceptions et d'organisation près, le même phénomène que dans la classe de Célestin Freinet, où l'opérationnalisation de l'éducation, la pédagogie, n'incluent pas les possibilités d'affrontements à maîtriser. Les conditions offertes tendent certes vers les conditions idéales de la paix dans la classe, mais en est-il de même dans la vie sociale ? Nous savons que la réponse donnée par les faits est négative. Il s'agit là, selon nous, de mettre en place une éducation pacifiste plus qu'une éducation à la paix, qui elle considérerait de prendre en compte les conflits et leur maîtrise.

Maria Montessori constate que les enfants sont capables d'une extrême concentration sur leur travail. Un travail que l'adulte ne ferait qu'une fois, la réalisation de celui-ci étant la finalité ; a contrario l'enfant eut très bien pu faire et refaire ce travail un grand nombre de fois, les exemples ne manquent pas dans les descriptions d'observation que fait Montessori. Devons-nous voir dans ces répétitions la concentration qui ‘serait ’ ‘"’ ‘incontestablement un moyen de développement’ ‘"’ ‘ 509 ’ ? Ou bien, cela nous suggérerait-il que ce n'est qu'un accaparement de l'attention de l'enfant par la tâche - qu'il semble capable de répéter jusqu'à quarante fois ! - qui l'absorberait tellement et si complètement que l'on pourrait penser que son action rappellerait celle de l'hypnose. L'éducatrice n'ajoute-t-elle pas que dans ce cas l'enfant ‘"’ ‘oubliant tellement son environnement qu'il ne faisait même plus attention aux sollicitations extérieures’ ‘"’ ‘ 510 ’. Poussant plus loin notre réflexion ne pourrions-nous pas faire ici un parallèle avec ce que Célestin Freinet nomme le "travail haschich", c'est-à-dire inutile dans sa finalité pour le développement de la personne.

‘"’ ‘Il faut, nous dit l'auteur, toujours donner à l'enfant un travail à faire avec ses mains tandis qu'il travaille avec sa tête, car la personnalité de l'enfant a une unité fonctionnelle’ ‘"’. Cependant, que sait-on du lien unissant le travail des mains ou du corps avec celui de la tête de l'enfant ? Sont-il intimement liés, ou est-ce que le travail manuel est un support à tout autre travail de réflexion, voire de flânerie, à l'extrême, dans le cas des tâches répétitives ?

Notes
505.

- Ibid.

506.

- Ibid.

507.

- Ibid. p. 108.

508.

- Ibid. p. 109.

509.

- Ibid. p. 111.

510.

- Ibid.