Paul Robin à Cempuis

C'est dans ce contexte, que Paul Robin658 va de 1880 à 1894 mettre en application son projet d'éducation intégrale ; celle-ci a pour objectif de régler le problème de l'injustice qui prend sa source, selon lui, dans l'ordre social, fondé sur l'inégalité.659

Pour remédier à cet état de fait, Robin met en avant ‘"’ ‘le sentiment profond de l'égalité, et du droit qu'a chaque homme, quelques soient les circonstances où le hasard l'ait fait naître, de développer, le plus complètement possible, toutes ses facultés physiques et intellectuelles’ ‘"’ ‘ 660 ’ ‘.’ Paul Robin explicite par ailleurs sa vision de l'homme, celui-ci est considéré ‘"’ ‘comme être isolé, indépendant, complet par lui-même, et comme organe de la collectivité’ ‘"’. Il a de ce fait le droit selon Robin, "au complet développement de ses facultés" dans leur globalité et parallèlement il a le devoir "d'apporter sa part de travail total nécessaire"661 à la société.

L'instruction intégrale doit, selon Paul Robin, promouvoir un homme complet, telle est l'essence de sa pensée éducative, intégrée dans le champ social. Nous pouvons ainsi prétendre que ces conceptions sont sous l'influence du positivisme d'Auguste Comte. Elles représentent un instrument conceptuel qui vise à l'unification humaine quant à l'esprit.

En effet, celui-ci affirme que : ‘"’ ‘tant que les intelligences individuelles n'auront pas adhéré par un assentiment unanime à un certain nombre d'idées générales capables de former une doctrine sociale commune, on ne peut se dissimuler que l'état des nations restera, de toute nécessité, essentiellement révolutionnaire, malgré les palliatifs politiques qui pourront être adoptés, et ne comportera que des institutions provisoires’ ‘"’.

Les principes doivent être forts et réunir une majorité d'être humains, sinon la totalité ; ils doivent également fixer, lorsqu'ils seront adoptés, une normalité : ‘"’ ‘il est également certain, poursuit Comte, que si cette réunion des esprits dans une même communion de principes peut une fois être obtenue, les institutions convenables en découleront nécessairement, sans donner lieu à aucune secousse grave, le plus grand désordre étant déjà dissipé par ce seul fait. C'est donc là que se doit porter principalement l'attention de tous ceux qui sentent l'importance d'un état de choses vraiment normal’ ‘"’ ‘ 662 ’ ‘.’

C'est dans un esprit communautaire que Paul Robin va s'employer à mettre en œuvre ses conceptions d'instruction intégrale. L'objectif est l'émancipation de l'homme vers un état progressivement pacifié des relations entre les hommes, tant du point de vue sociales - nationales - qu'internationales par une transformation des êtres, des structures et finalement de la société.

Notes
658.

- Paul Robin fut nommé à la tête de "l'orphelinat Prévost" - ainsi qu'était appelé l'établissement - par Ferdinand Buisson, à Cempuis dans le département de l'Oise, établissement qu'il dirigera pendant quatorze ans de 1880 à 1894.

659.

- "Cette expérience menée à Cempuis a fait de Robin [1837-1912] le premier - si l'on excepte l'œuvre de Tolstoï [1828-1910] à Yasnaïa Poliana - réalisateur en matière d'éducation libertaire." p. 27. In BREMARD, (N.), Cempuis une expérience d'éducation libertaire à l'époque de Jules Ferry, Paris, éditions du Monde Libertaire, 1992. 120 p.

660.

- ROBIN, (P.), in revue de philosophie positive de Littré et Wyrouboff, Tome V. p. 273. Cité par N. Bremard. Op. Cit.

661.

- Ibid. T. V p. 272.

662.

- COMTE, (A.), Cours de philosophie positive, discours sur l'esprit positif, (Tome 1) Paris, Garnier, édition de 1949. pp. 82-83.