C'est vers la fin du XIXe siècle que l'on assiste à l'émergence de la science dans le domaine éducatif. Le développement industriel et l'économie qui vont de pair font que les sociétés occidentales subissent une profonde transformation. La science se présente alors comme le développement d'un phénomène nouveau sans précédent. Le cadre général intellectuel de la pensée scientifique fut initié antérieurement par les penseurs tels que Copernic et Descartes qui, dès le XVIe et XVIIe siècle mettent en avant des idées nouvelles quant à l'appréhension de la nature. Les lois scientifiques permettent l'universalisation : les mathématiques notamment assurent la possible quantification des phénomènes naturels observables.
L'approche quantitative qui permet la reproductibilité, en application des lois qui sont dégagées, s'oppose à la vision qualitative de la nature. Avant cela, la vision qualitative divisait le monde en régions ayant leurs principes propres, non perméables entre eux. Ainsi, les sciences naturelles n'avaient rien de commun avec la science théologique.
La tradition pédagogique, quant à elle, promouvait jusqu'alors des modèles de conduite reproduisant à l'identique les comportements passés, elle présentait un aspect prescriptif. Son propos n'était pas le questionnement : la tradition dit quoi faire et fait faire. Les comportements engendrés sont graduellement ritualisés et acquièrent de fait un statut quasi sacré698. Ces caractères prescriptifs s'expriment dans "La conduite des écoles chrétiennes" où il est stipulé que : ‘"’ ‘Les supérieurs des maisons de cet institut et les inspecteurs des écoles s'appliqueront à le bien apprendre [Le livre de la Conduite] et à posséder parfaitement tout ce qui y est renfermé, et feront en sorte que les maîtres ne manquent à rien et observent exactement toutes les pratiques qui y sont prescrites jusqu'aux moindres, afin de procurer par ce moyen un grand ordre dans les écoles, une conduite bien réglée et uniforme ’ ‘dans les Frères qui en seront chargés et un fruit très considérable à l'égard des enfants qui y seront instruits’ ‘"’ ‘ 699 ’ ‘.’
Antoine Prost700 fait remarquer que cette tradition assurée par les communautés religieuses, n'est guère contestée jusqu'en 1837, date à laquelle les Frères jugent bon de justifier leur méthode.
Le nombre d'enfants à instruire au XIXe siècle augmente considérablement. Outre la nécessité du maintien de l'ordre social, le fait de la croissante mécanisation de l'industrie en général implique les classes nombreuses du développement de l'enseignement mutuel. En 1846, à titre d'exemple, ‘"’ ‘... la salle d'asile de Saint Rémy à Reims, reçoit trois-cents enfants dans un espace de onze mètres sur cinq mètres. Le nombre important d'élèves et la disparité des niveaux rendent l'enseignement difficile...les classes ne sont pas réparties par niveaux et les enfants sont âgés de deux à six ans [ceux-ci] sont assis sur des gradins, ou sur des bancs sans dossier. Il faut attendre les débuts des années 1880 pour qu'ils disposent de tables’ ‘"’ ‘ 701 ’ ‘.’
- Cf. Clermont Gauthier : De la pédagogie traditionnelle à la pédagogie nouvelle in La pédagogie, théories et pratiques de l'Antiquité à nos jours. Québec Canada, Gaëtan-Morin Editeurs, 1996. 331 p. (Particulièrement pp. 131-154).
- LA SALLE, (J.B.) De, Conduite des écoles chrétiennes, Manuscrit 11.759. Paris, Bibliothèque Nationale. Cité Par Clermont Gauthier. Op. Cit. p. 134.
- PROST, (A.), Histoire de l'enseignement en France 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1968, 494 p. p. 118. "A la différence de l'enseignement mutuel, qui menait de front la lecture, l'écriture et le calcul, l'enseignement simultané répartissait ces trois apprentissages sur trois classes successives." A. Prost. Op. Cit. p. 118.
- GAULUPEAU, (Y.) et alli. In Le patrimoine de l'Education Nationale, Paris, Flohic éditions, 1999. 981 p. p. 338.