La notion de conflit porte en elle un risque de confusion de sens, c'est la raison pour laquelle nous souhaitons lever l'ambiguïté quant à l'emploi que nous faisons majoritairement de ce terme, tant au singulier qu'au pluriel. Suite à l'évolution de la langue le terme conflit est parfois employé comme synonyme de guerre. Dans notre travail, s'il s'agit de cette option, nous le signalerons. Du point de vue de l'étymologie, l'origine du mot conflit vient du latin conflictus : choc et confligere : heurter. Ces deux acceptions ont elles-mêmes pour racine une même source issue du latin archaïque fligere, flictus : battre776. Ceci suppose un rapport entre deux personnes ou deux éléments, ou encore une combinaison entre personnes et éléments. L'origine du mot légitime en conséquence son possible emploi comme synonyme de guerre.
Cependant, l'emploi que nous ferons, sauf exception, de "conflit", correspond au heurt que provoquent deux points de vue ou deux conceptions différentes chez deux ou plusieurs personnes et ce, relativement à une situation à établir à terme, objectivée par l'établissement d'une loi ou d'un contrat. Le terme de conflit est apparenté, selon ce qui précède, à la notion "d'antagonisme" du grec agôn, antagônistès, construit sur la famille de racine indo-européenne [ag-] qui signifie pousser devant soi, représenté par le terme latin agere, actus : conduire, agir, qui lutte contre, proche du latin litigium : querelle777.
En conséquence, nous considérons la guerre et, au même titre la violence exprimée comme la suite d'un conflit n'ayant pas abouti à une loi ou à un contrat. En d'autres termes, nous disons que guerre et violence correspondent à un conflit qui a dégénéré et qui de ce fait est hors contrôle volontaire de la raison de l'une des deux parties en cause, voire des deux.
Caractérisé par une structure de violence et de guerre, le conflit correspond à ce que nous pourrions nommer : une conflagration. L'étymologie nous renseigne utilement. En effet : conflagration vient de foudre, qui tire son origine de la racine indo-européenne [bhleg-] : briller. Plus tard, avec le grec phlegein : enflammer, nous avons une expansion du phénomène. Sur la même racine originelle, le latin fulgere : briller (en parlant des astres et de l'éclair), construit conflagere, deflagere : être embrasé, de la famille de flagrare : brûler. Enfin, nous retrouvons au XIVe siècle : conflagration du latin savant conflagratio.
Il s'agit d'un changement d'état dans une situation considérée. La conflagration met en jeu des forces brutes que la raison a beaucoup de difficultés à maîtriser, alors que le processus est enclenché.
Il est sans doute nécessaire d'intervenir, et de façon volontaire, avant l'embrasement de la violence liée au conflit. Tant que la violence est latente, il est possible de faire intervenir la raison ; passé ce stade, l'issue par la médiation, le dialogue, est compromise pour un temps plus ou moins long.
- PICOCHE, J. Op. Cit. Article "conflit".
- PICOCHE (J.), Op. cit. Article : Antagonisme.