Une pédagogie du conflit ?

Approche de la Pédagogie Institutionnelle 840

Dans le prolongement de la pédagogie initiée par Célestin Freinet, en ce qui concerne le rapport du conflit et de l'émergence de sa prise en compte au sein de la classe, un mouvement a pris consistance à partir de la classe coopérative. Il s'agit d'une dynamique qui se positionne en tant que ‘"’ ‘pédagogie institutionnelle’ ‘"’ ‘ 841 ’ ‘.’

Ainsi, dès 1949, Fernand Oury utilise en milieu urbain les techniques mises au point par Célestin Freinet, mais il se heurte à une difficulté inhérente au fait que la mise en place d'une classe Freinet dans une "école caserne", ainsi qu'il nomme les écoles de la banlieue parisienne et des grandes villes, complique singulièrement la tâche de l'instituteur. Fernand Oury va alors chercher des outils, des techniques, appropriés à ce type de classe spécifique, c'est-à-dire des institutions qui devront favoriser l'expression par la parole et tenter par là même de régler les conflits qui surgissent dans la classe.

Jean Oury, frère du précédent et psychanalyste, parle pour la première fois de "Pédagogie Institutionnelle" en 1958 au congrès de l'IPEM842, où il fait un ‘"’ ‘parallèle avec la psychothérapie institutionnelle, dont il est l'un des représentants’ ‘"’ ‘ 843 ’ ‘.’

Suite à des conflits internes entre l'IPEM et l'ICEM844, l'Institut parisien disparaît en 1961 avec les exclusions de Raymond Fonvieille et de Fernand Oury. Ces derniers fondent alors le GTE (Groupe Techniques Educatives), lequel groupe se scinde en deux courants entre 1964-1966 ; l'un de ces courants réunit Aïda Vasquez et Fernand Oury qui créent le GET (Groupe d'Education Thérapeutique), quant à l'autre branche, à l'initiative de George Lapassade, elle s'oriente plus directement vers des méthodes d'inspirations anglo-saxonnes telles la psychosociologie et la non directivité rogerienne.

Fernand Oury quitte le GET en 1979 et crée "Genèse de la coopérative", intégrée à l'ICEM (Institut Coopératif de l'Ecole Moderne), auquel il est toujours resté fidèle. Aujourd'hui, en ce début de XXIe siècle, deux groupes importants poursuivent le travail de recherche en Pédagogie Institutionnelle : l'AVPI (Association vers la Pédagogie Institutionnelle) et le groupe TFP (Techniques Freinet Pédagogie Institutionnelle)

Notes
840.

- La Pédagogie Institutionnelle procède de l'analyse institutionnelle, laquelle, selon René Lourau, est "une méthode qui vise à élucider les rapports réels, et non pas juridiques ou purement subjectifs, que nous entretenons avec les institutions. Les rapports sociaux réels, tout autant que les normes sociales, font partie du contenu du concept d'éducation."Cf. à ce propos : LOURAU, (R.), L'analyse institutionnelle, Paris, Editions de Minuit, 1970. 289 p.

841.

- Pour un développement plus complet du cheminement, riche en événements, concernant la pédagogie initiée par Célestin Freinet vers une Pédagogie Institutionnelle, on se référera aux ouvrages suivants :

- LAMIHI, (A.), De Freinet à la Pédagogie Institutionnelle ou l'école de Gennevilliers, Vauchrétien, Ivan Davy éditeur, 1994.154 p.

- OURY, (F.), & VASQUEZ, (A.), Vers une pédagogie institutionnelle, Paris, Matrice, 1996. 269 p. 1ère édition Paris, Maspéro, 1967.

- OURY, (F.), & VASQUEZ, (A.), De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle, Paris, Maspéro, 1971. 750 p.

842.

- Institut Parisien de l'Ecole Moderne ; Institut Coopératif de l'Ecole Moderne.

843.

- HEVELINE, (E.) & ROBBES, (B.), Démarrer une classe en pédagogie institutionnelle, Paris, Hatier, 2000, 79 p. p. 11.

844.

- Cf. à propos des conflits entre l'IPEM et l'ICEM :

- FONVIEILLE, (R.), L'aventure du mouvement Freinet vécue par un praticien-militant (1947-1961), Paris, Méridiens Klincksiek, 1989. 231 p.

- BRULIARD, (L.), & SCHLEMMINGER, (G.), Le mouvement Freinet des origines aux années quatre-vingts, Paris, L'Harmattan, 1996. 240 p.