1.8 - Conclusion

Dans ce chapitre nous avons introduit et commenté certaines notions qui seront d’une très grande importance pour notre propos. Tout d’abord, nous avons fait une revue critique de l’hypothèse Sapir-Whorf, en donnant les arguments pour et contre et en soulignant les défauts du déterminisme linguistique. Répétons que dans ce travail nous partons d’une thèse complètement opposée, selon laquelle le langage ne détermine pas, mais reflète notre vision du monde et notamment du temps et de l’espace. Nous avons notamment parlé des idée de Whorf sur la conceptualisation du temps et de l’espace : dans ses oeuvres, celui-ci fait une hypothèse, basée sur les différences linguistiques, selon laquelle dans les langues indo-européennes mais pas dans les langue non-indo-européennes, la représentation du temps est basée sur la représentation de l’espace. Cette hypothèse a une double conséquence théorique : primo, elle implique que l’hypothèse du localisme n’est pas universelle, mais vaut seulement pour certaines langues ; secondo, elle implique que la proximité cognitive entre le temps et l’espace est la conséquence de leur proximité linguistique. Nos analyses des théories de la cognition du temps et de l’espace, ainsi que nos analyses de langues appartenant à des familles très éloignées montreront si Whorf avait ou non raison.

Le débat ‘«’ ‘ pour ou contre le déterminisme linguistique ’» est étroitement lié à un autre débat qui concerne la relation entre les mots et les concepts. En effet, la question est : y a-t-il une différence entre le sens des mots et les concepts que nous avons à l’esprit ? Et qu’est-ce que c’est qu’un concept ? Si on comprend que la conceptualisation est non seulement liée au langage, mais encore à la catégorisation et notamment à la discrimination à travers la perception visuelle, on a tous les droits de supposer qu’il y a une différence entre le sens de mots de la langue (ou des langues) que nous parlons et les concepts que nous possédons.

Ensuite, nous avons présenté des travaux qui attestent que les nourrissons sont dotés d’un type de sens commun (à savoir des intuitions du type de la physique naïve) dans le domaine des relations physiques entre les objets. Cela montre que l’intelligence spatiale précède toute autre forme d’intelligence et qu’elle n’est pas entièrement dépendante de l’acquisition du langage, laquelle se fait plus tard.

Dans la section suivante, nous avons présenté la thèse que nous chercherons à justifier dans le présent ouvrage : la représentation du temps découle de la représentation de l’espace. Nous avons décrit la première — unidimensionnelle — et la deuxième — tridimensionnelle et forcément beaucoup plus complexe (cf. les cadres de références de Jackendoff).

Enfin, nous avons justifié notre décision d’adopter la perspective comparative et nous avons expliqué comment et pourquoi nous avons choisi les langues indo-européennes et non-indo-européennes sur lesquelles nous avons travaillées. La dernière sous-section de ce chapitre a été consacrée à une brève présentation de chacune de ces langues. Le chapitre 2 nous permettra de présenter les différentes théories sur lesquelles nous nous appuyerons dans la suite de ce travail.