3.1 - Temps

3.1.0 - Quid est enim tempus ? Les recherches dans différentsdomaines

Soulignons, tout d’abord, que le temps a fait l’objet tout à la fois de nombreux travaux linguistiques et philosophiques dont nous parlerons largement dans cette thèse, mais a donné lieu à très peu d’investigations en psychologie.

Avant de passer en revue les travaux les plus connus sur l’ontologie temporelle, nous voudrions définir la notion de temps et dire quelques mots des travaux en psychologie sur la perception du temps. Nous citons ci-dessous la phrase célèbre de St Augustin, le philosophe du Moyen Age, qui cherche à répondre à la question difficile ‘«’ ‘ qu’est-ce que le temps ? »’ :

‘« Quid est enim tempus ? Si quelqu’un me le demande, je le sais, si quelqu’un pose cette question et que je dois l’expliquer, je ne le sais plus » (St Augustin, Confessiones, 1907, XI, 14, 17).’

Cette citation montre que le temps a toujours attiré et intrigué les philosophes et que l’homme s’est depuis longtemps demandé si le temps est une réalité ou un produit de l’esprit humain. Ainsi, au dix-neuvième siècle, le philosophe Guyau donne une définition du temps comme un produit de notre conscience:

‘« Le temps n’est pas une condition mais plutôt le simple produit de la conscience : le temps ne fait pas partie de la conscience, il est dérivé d’elle. Le temps n’est pas une forme a priori que nous imposons sur les phénomènes, c’est un ensemble de relations que notre expérience établit entre ces phénomènes. Le temps n’est qu’une sorte de tendance systématique, une organisation de la représentation mentale » (Guyau, 1890 ; in Macar, Pouthas et Friedman, 1992. Nous traduisons).’

Guyau insiste aussi sur le fait que la sensation du temps ne peut être que vague, irrégulière et non-fiable.

Il est vrai que la contribution de la réalité physique à ce qu’on appelle le stimulus temporel est à peu près nulle. Dans sa Théorie de la relativité, le célèbre physicien Einstein rejette le temps comme concept métrique de la physique newtonienne. La théorie générale stipule que le temps absolu et mesurable par n’importe quelle horloge n’existe pas. En effet, la prédiction de la Théorie de la relativité, connue sous le nom de dilatation du temps, est que l’écoulement du temps se ralentit pour un observateur en mouvement ou en présence d’un champ gravitationnel (Hawking, 2001). Qui plus est, la mécanique quantique, et notamment le Principe d’incertitude de Heisenberg, explique qu’on ne peut pas parler de la continuité du temps (Michon, 1992, 303). Nous devons donc accepter que la phénoménologie du temps soit dans notre esprit et qu’elle n’existe pas indépendamment de nous, les ‘«’ ‘ observateurs »’.

La définition du temps donnée par les philosophes Casati & Varzi (2000, 110) confirme et élabore cette idée. Selon eux, on ne doit pas définir le temps comme une notion indépendante – que ce soit comme une catégorie ontologique primaire (les intervalles ou les instants) ou sous la forme d’une relation primitive et irréductible de précédence temporelle. Plutôt, le temps devrait être compris comme un sous-produit (une conséquence) de la possibilité d’orienter le domaine de toutes les éventualités. Plus précisément, il s’agit de ce qu’on appelle ‘«’ ‘ la dispensabilité (le caractère superflu) du temps »’ qui est fonction de trois facteurs : 1) l’hypothèse que les événements 42 sont des entités individuelles bona fide (c’est une question ontologique) ; 2) la notion de diviseur (qui est intrinsèquement méréotopologique 43 , c’est un événement tout-comprenant, composé de tous les événements qui ont eu lieu durant une période) ; 3) le choix d’un événement d’ancrage à partir duquel l’axe temporel est orienté (et cela est formellement une question de stipulation).

Notes
42.

Evénement = point de l’espace-temps défini par sa localisation spatiale et temporelle.

43.

La méréotopologie étudie la relation entre un tout et ses parties.