3.1.2 - Quelques notes sur les désordres neurologiques liés à la représentation du temps

Rappelons qu’en neurolinguistique, on analyse des problèmes dans la production et la réception du signal linguistique liés à des lésions neuronales afin de mieux comprendre le fonctionnement du langage. Par analogie, les désordres dans la perception et l’expérience du temps peuvent nous informer sur la façon dont notre cerveau traite ce phénomène.

Les désordres liés à la cognition du temps sont nombreux et sont notamment dus aux lésions de l’hémisphère droit. Parmi ce type de désordres on trouve : les désordres dans la temporalité des événements, la fausse perception du passage du temps et les expériences non-habituelles du temps. Il s’agit de problèmes de l’expérience subjective, la «‘ sensation »’ du temps, tandis que la connaissance du temps en tant que concept reste intacte (Glezerman & Balkoski, 2000, 163). Nous citons ici un texte obtenu d’un patient dont l’hémisphère droit est endommagé :

‘« Soudainement, j’ai l’impression que tout s’arrête, tout est immobile comme sur une photographie… Le temps s’arrête » (Glezerman & Balkoski, 2000, 167. Nous traduisons).’

Ajoutons que les désordres de la perception du temps sont généralement accompagnés par la distorsion du sens subjectif du mouvement des objets dans l’espace. Il est important de souligner que le séquencement des événements reste intact dans les lésions de l’hémisphère droit, car, selon les neurologues, son centre se trouve dans l’hémisphère gauche et qu’il est également responsable des relations temporelles exprimées dans le langage (les prépositions temporelles). Mais, l’ordonnancement temporel des événements est indépendant du langage : on n’a pas besoin des signes linguistiques pour se représenter l’idée d’antériorité ou de postériorité.

Chose intéressante, des études récentes montrent que la sensation des intervalles temporels est liée au tonus musculaire. A titre d’exemple, les patients souffrant de la maladie de Parkinson ne sont pas capables de juger correctement les intervalles du temps. Cependant, si on leur donne de la L-DOPA (un médicament qui stimule la dopamine), cette capacité est restaurée. Les chercheurs suggèrent que la substantia nigra joue le rôle de métronome (Glezerman & Balkoski, 2000, 164).

Quant aux autres types de désordres, il est connu en psychiatrie que les patients atteints de schizophrénie souffrent de problèmes de la perception du temps. En voici un exemple :

‘« La vie est maintenant un tapis roulant qui n’a rien au-dessus. Tout court mais rien ne change... Dehors, tout continue, les feuilles bougent, les autres bougent, mais pour moi le temps ne passe pas. Lorsqu’il court en rond dans le jardin et les feuilles bougent avec le vent, je voudrais moi-même courir aussi, pour que le temps commence à bouger pour moi, mais je suis figé » Glezerman & Balkoski, 2000, 170. Nous traduisons).’

Enfin, les problèmes dans la perception du temps ne sont pas uniquement liés aux lésions cérébrales ou aux maladies. Il est notoire depuis longtemps qu’un des effets de drogues comme le LSD est une représentation anormale du temps : un bref moment peut être vécu comme une éternité ou la personne peut perdre complètement le sens du passé ou du futur (Greenfield, 2001).

Passons maintenant aux travaux philosophiques et linguistiques sur le temps qui sont, de loin, plus nombreux et plus connus. Ils sont orientés vers la typologie des événements, vers le problème de l’ordre temporel et des relations sémantiques entre les temps verbaux. Commençons par l’ontologie de Vendler.