3.1.7 - Contre Reichenbach : la théorie de Ludlow

Dans son livre de 1999, intitulé ‘«’ ‘ Semantics, Tense, Time ’», le philosophe américain Ludlow s’oppose aux idées de Reichenbach sur l’ontologie temporelle. En effet, il précise qu’on peut distinguer entre deux approches de la philosophie de temps (Ludlow, 1999, 1) :

Il est clair que, pour les défenseurs de la série-A, les temps verbaux ne peuvent pas être définis par les relations de postériorité, antériorité ou simultanéité entre les trois points (R, S et E), car la distinction entre ce qui est présent, futur ou passé est beaucoup plus profonde et complexe. En fait, selon Reichenbach, la différence entre un événement qui se passe au moment de la parole S, avant ou après S n’est qu’une différence entre ses coordonnées temporelles (plus précisément la position de E). Dans la perspective de Ludlow et Prior (1968), c’est un réductionnisme. Pour eux les primitifs ne sont pas les points R, E et S et la relation AVANT-APRES, mais les notions de présent, futur et passé (Ludlow, 1999, 139). Ainsi, nous ne comprenons pas le futur comme quelque chose qui se passe après S (ou le passé comme quelque chose qui se passe avant S), mais tout au contraire, on conçoit les relations temporelles AVANT et APRES à partir des différences entre les événements présents, passés et futurs. La preuve psycholinguistique en est que la capacité de l’enfant de comprendre et utiliser les prépositions AVANT et APRES (vers 5 ans) vient beaucoup plus tard que son emploi des temps verbaux (vers 2 ans). Cherchant à montrer que la relation AVANT / APRES n’est pas un primitif, Ludlow renvoie aux propos de Cromer (nous traduisons) :

‘« La capacité de dater un événement par un autre événement qui lui est contemporain (la co-occurrence) est plus primitive que la notion de l’ordonnancement sériel. (Cromer, 1968, in Ludlow, 1999, 141)’

Nous reviendrons aux idées de Ludlow lorsque nous analyserons les usages temporels de prépositions spatiales. Restons, pour le moment, dans la théorie de Reichenbach et observons comment l’opposition S=R et S≠R fonctionne dans le domaine des expressions temporelles et dans le domaine des expressions spatiales.