3.1.8 - L’opposition S=R et S≠R dans les expressions temporelles

L’opposition S=R et S≠R n’est pas limitée aux temps verbaux, elle existe aussi chez les autres expressions procédurales dénotant des relations temporelles. A titre d’exemple, en français, deux prépositions différentes sont employées pour indiquer la relation de postériorité (A après B) : en effet, si les termes de la préposition sont n’importe quels moments dans le passé ou le futur, la préposition après est employée. Cependant, si on se réfère au moment de la parole (si B est égal à S) on emploie la préposition dans et maintenant est sous-entendu :

  1. Je pars dans trois jours. (S = R) : dans trois jours = trois jours après maintenant
  2. Jacques partit trois jours après Noël. (S≠R)

Manifestement l’opposition entre après et dans temporel n’est rien d’autre que l’opposition entre S=R et S≠R. Autrement dit dans temporel pourrait être analysé comme POSTERIORITE S et après comme POSTERIORITE non-S.

Observons maintenant ce qui se passe avec la préposition avant qui est équivalente à la préposition après + direction opposée et qu’on utilise pour la relation d’antériorité :

  1. Je suis venu il y a/ça fait trois jours
  2. Jacques partit trois jours avant Noël.

Chose intéressante, la langue française ne possède pas de préposition qui dénoterait ANTERIORITE S. Mais l’opposition en question est quand même explicitée à l’aide des expressions il y a ou ça fait. Nous retournerons plus tard à ce phénomène et nous essayerons d’expliquer d’où vient une telle différence linguistique.

Toujours à partir de la même opposition, en français, on a des paires : demain/le lendemain, hier/la veille, l’année prochaine/l’année suivante, l’année dernière/l’année précédente, etc. La seule différence de sens est que pour le premier membre S=R et chez le deuxième SR. Notons que les premières de ces expressions — mais pas les secondes — sont considérées comme des adverbes déictiques, car, pour calculer leur référence, on doit s’appuyer sur des paramètres contextuels. Ce sont donc bel et bien des expressions procédurales. Or, à notre avis, ces expressions ont aussi un contenu conceptuel : en effet, hier ou avant-hier ne donnent pas seulement l’instruction UN JOUR AVANT S (moment de la parole), mais précisent aussi qu’il s’agit d’une durée de 24 heures (quand on dit qu’un événement a eu lieu hier, cela signifie qu’il a pu avoir lieu n’importe quand entre minuit qui séparait avant-hier et hier et minuit qui séparait hier et aujourd’hui). Pour cette raison, nous pensons qu’on peut les considérer comme des expressions mixtes conceptuelles-procédurales. Soulignons qu’en français, ainsi que dans d’autres langues, les mots le lendemain et la veille sont des noms-substantifs (ils ont des déterminants), ce qui va à l’encontre de l’idée que ce sont des expressions purement procédurales.