D. La sémantique des prépositions spatiales

Le quatrième domaine de l’opus de Jackendoff que nous allons présenter et dont nous allons nous servir dans nos analyses est son travail sur la sémantique des prépositions spatiales (Jackendoff, 1985). Ainsi, il appelle les prépositions in (dans) et on (sur) prépositions transitives et dit qu’elles expriment des fonctions de place (être dedans ou sur). Leur objet (en fait, l’objet référentiel) est l’argument y de cette fonction de place. Par exemple, dans le cas de la poupée est dans la boîte, la poupée est l’argument y de la fonction ‘«’ ‘ être dans ’». Toute fonction de place impose des contraintes conceptuelles sur la nature de l’objet référentiel (ainsi, à titre d’exemple, in exige que l’objet référentiel soit un espace borné ou un volume). Selon lui, la distinction la plus importante dans la classification des sens des prépositions spatiales (ou des phrases prépositionnelles, PP, dans sa terminologie) est la distinction entre lieux (PLACES) et CHEMINS (PATHS) (Jackendoff, 1985, 162).

Le LIEU représente un point ou une région et il est normalement occupée par un OBJET mais parfois aussi par un EVENEMENT. Les chemins ont des structures beaucoup plus variées et jouent des rôles différents dans les EVENEMENTS et les ETATS. L’argument de ce type de fonction peut être un objet référentiel (from my house – de ma maison) ou une fonction de place (from under the table – de dessous la table). Jackendoff souligne qu’un grand nombre de prépositions en anglais sont ambiguës, car elles dénotent les fonctions de lieu et de CHEMIN (to be in the house – être dans la maison, to go in the house – entrer dans la maison). Cette ambiguïté est évitée en allemand ou dans les langues slaves, car les différents cas (il s’agit de l’opposition entre le datif et l’accusatif) montrent s’il s’agit du lieu ou du chemin 55 .

Quant à la nature des CHEMINS, il y en a trois types. Cela dépend du type de préposition utilisée en anglais (Jackendoff, 1985, 165) :

Passons maintenant aux rôles que, selon Jackendoff, les chemins peuvent jouer dans un événement ou un état. Pour chacun de ces rôles, on donne trois exemples, illustrant trois types de chemins.

Le chemin peut être traversé par l’objet  :

  1. John ran into the house.

John est entré dans la maison en courant.

  1. The mouse skittered toward the clock.

La souris a sautillé vers l’horloge.

  1. The train rambled along the river.

Le train s’éloignait le long de la rivière.

L’objet peut être étendu sur le chemin  :

  1. The highway extends from Denver to Indianapolis. (L’autoroute s’étend de Denver jusqu’à Indianapolis)
  2. The flagpole reaches (up) towards the sky. (La hampe du drapeau s’élève vers le ciel)
  3. The side walk goes around the tree. (Le trottoir fait le tour de l’arbre)

L’objet peut être orienté le long du chemin  :

  1. The sign points to Philadelphia.

Le signe pointe dans la direction de Philadelphie.

  1. The house faces away from the mountains.

La maison ne donne pas sur les montagnes.

  1. The cannons aim through the tunnel.

Les canons visent à travers le tunnel.

Il y a donc neuf combinaisons possibles (3 x 3) entre les types de chemins et leurs rôles.

Pour finir, rappelons que Jackendoff a consacré une partie de son travail aux emplois temporels des prépositions spatiales. Selon lui, ces emplois dérivent de l’Hypothèse des Relations Thématiques (HTR) qui stipule que la cognition de l’espace précède la cognition du temps et que, par conséquent, la sémantique de l’espace se trouve à la base de la sémantique de certains domaines non-spatiaux (voir le premier chapitre de cette thèse).

Notes
55.

En allemand on dit: Ich bin im Kino (Je suis dans le cinéma ; im in dem — datif) mais Ich gehe ins Kino (Je vais au cinéma ; ins = in das — acc.). En serbe, on dit Ja sam u skol-I (locatif : Je suis à l’école), mais Ja idem u skol-U (acc. : Je vais à l’école).