3.2.5 - Le travail de Levinson : le relativisme linguistique et la conceptualisation de l’espace

Nous avons déjà introduit l’hypothèse du relativisme linguistique connue aussi sous le nom de l’hypothèse Sapir-Whorf (cf. chapitre 1). Nous avons vu que pour les défendeurs de cette hypothèse le langage est une prérogative humaine : il réorganise et restructure la cognition même dans des domaines comme la cognition spatiale qui sont considérés comme naturels et universels. C’est, disent-ils, vrai pour le langage en général et pour les langues particulières, d’où des différences de conceptualisation du monde entre communautés linguistiques. (Levinson et al., 2002, 158).

Dans ses publications, Levinson (1996, 1998, 2003) se propose de mettre en question deux hypothèses (que nous défendons dans cette thèse). Selon la première, apprendre le langage spatial signifie en fait lier les expressions spatiales à l’ensemble de concepts spatiaux qui existent déjà et qui sont largement innés. Ainsi, les catégories cognitives détermineraient nos catégories linguistiques. Mais Levinson présente plusieurs arguments contre cette hypothèse. Tout d’abord, les langues n’utilisent pas les mêmes concepts spatiaux (en fait les concepts spatiaux d’une langue peuvent être totalement différents de ceux que l’on trouve dans une autre 57 ). Ensuite, les enfants sont, dès le plus jeune âge, spatialement orientés selon les distinctions sémantiques qui sont spécifiques à la culture dans laquelle ils grandissent. Enfin, dans le cas où une langue encode les concepts spatiaux différents de ceux qui nous sont familiers, la même situation se répète dans le raisonnement spatial non linguistique. Nous y reviendrons par la suite.

Selon la deuxième hypothèse, notre conceptualisation de l’espace est obligatoirement anthropomorphique et égocentrique. Par conséquent, toutes les cultures devraient avoir un usage symbolique de l’opposition primordiale droite/gauche (basée sur l’orientation latérale). L’argument contre cette hypothèse est qu’il y a un certain nombre de langues qui n’utilisent pas les axes corporels pour dériver les relations spatiales : ces langues n’ont pas d’expression telles que gauche/droite ; devant/derrière (Levinson, 1996a, 356). Il s’agit de langues qui utilisent les cadres de référence absolus.

Levinson (1996a) distingue trois types de cadres de référence : le cadre de référence intrinsèque, le cadre de référence relatif et le cadre de référence absolu. Le premier cadre est basé sur les parties inhérentes de l’objet, le deuxième sur les axes corporels de l’observateur et le troisième sur des points de référence abstraits et prédéfinis (un peu comme les notions de Nord ou de Sud). Dans ce dernier, on trouve des expressions comme le couteau du nord ou ton genou occidental.

Pour définir et distinguer formellement les cadres de référence Levinson (1996b) utilise le critère des modèles d’invariance lors d’une rotation, qui repose sur les notions de Talmy (1983) de figure (figure, F)et fond (ground, G) 58  :

  • Toutes les relations sont invariantes sous la rotation interne de F.
  • Les relations intrinsèques sont invariantes sous la rotation conjointe de F et G et varient avec la rotation interne de G.
  • La relation absolue et la relation relative sont invariantes sous la rotation interne de G mais varient avec la rotation conjointe de F et G.

Contrairement aux relations abstraites, les relations relatives varient avec la rotation interne d’un tiers objet nommé V (le point de vue) et sont invariantes sous la rotation jointe de F, G et V.

Voici trois exemples des cadres de référence de Levinson :

  1. Le ballon est devant la chaise. (Intrinsèque)
  2. Le ballon est au Nord de la chaise. (Absolu)
  3. Le ballon est à gauche de la chaise (de mon point de vue). (Relatif)

Si on opère une rotation sur le ballon, cela ne change rien à la vériconditionalité des propositions. Par contre, si l’observateur change de perspective (après une rotation de 180 degrés), les propositions exprimées en (34) et (35) seront toujours vraies, mais celle qu’exprime (36) devient fausse. Pour différencier (34) et (35), il faut effectuer une nouvelle rotation, celle du fond (la chaise). Dès lors, seule (35) reste vraie. On en conclut donc que la première rotation (celle de l’observateur) sert à distinguer les systèmes égocentriques des systèmes allocentriques. Quant à la seconde, elle sert à distinguer les systèmes absolus des systèmes intrinsèques.

Dans la majorité des langues et des cultures, on utilise le cadre de référence relatif et le cadre de référence intrinsèque. Cela vaut aussi pour les langues (appartenant aux familles très différentes) que l’on analyse dans cette thèse. Mais il y a quand même un nombre non négligeable de communautés linguistiques qui utilisent de manière extensive les systèmes absolus.

Il convient d’être plus précis sur ce point : toutes les langues utilisent le cadre de référence absolu dans la dimension verticale, mais comme on va le voir, seules un certain nombre de langues l’emploie aussi dans la dimension horizontale.

Dans son ouvrage de 2003, recueil de l’ensemble de ses travaux sur l’espace, Levinson donne les primitifs de base pour la description des cadres de référence (ibid., 39) :

Le système des angles étiquetés, qui est spécifique à une langue (par exemple : devant, gauche, nord).

Les coordonnées, qui sont polaires, à savoir spécifiées par la rotation de l’axe fixé x.

Les points : F (figure = figure), G (ground = site), V (viewpoint = le point de vue), X (origine du système des coordonnées), A (anchor point = le point d’ancrage), L (landmark = point de repère).

Le système d’ancrage qui enferme les angles du point 1 dans le système de coordonnées du point 2 : A (anchor point = point d’ancrage) et S (slope = pente, inclinaison) du système d’orientation fixe, avec les lignes parallèles infinies à travers l’environnement.

Nous reproduisons ci les figures de Levinson (idem, 40) qui illustrent les différences entre les trois cadres de références :

Figure 9 : cadre de référence intrinsèque d’après Levinson
Figure 9 : cadre de référence intrinsèque d’après Levinson
Figure 10 : cadre de référence relatif
Figure 10 : cadre de référence relatif
Figure 11 : cadre de référence absolu
Figure 11 : cadre de référence absolu

Il convient de mentionner que, comme on le voit sur le tableau ci-dessous, certaines langues utilisent les trois cadres de référence, mais d’autres n’en utilisent qu’un seul (ibid., 93) :

Tableau No 5 : La distribution des cadres de référence à travers les langues
Uniquement intrinsèque Mopan (Maya)
Uniquement absolu Guugu Yimithirr
Intrinsèque et relatif Hollandais, Japonais
Intrinsèque et absolu Tzeltal (Maya), Hai//om (Khoisan)
Intrinsèque, relatif et absolu Yucatec (Maya), Kgalagadi (Bantou)

Ainsi, le cadre de référence absolu et le cadre de référence intrinsèque peuvent exister sans les autres. Cependant, le cadre de référence relatif impose l’existence du cadre de référence intrinsèque. Toutes les autres combinaisons sont possibles.

Reste une autre question liée aux cadres des références, celle de la traductibilité de l’un à l’autre. Afin d’y répondre, Levinson part de ce qui est en philosophie connu comme la question de Molyneux. Dans sa lettre à Locke (1690), Molyneux pose une question devenue célèbre : Si un homme aveugle, qui connaissait, grâce à la possibilité de toucher les objets, la différence tactile entre un cube et une sphère, obtenait la capacité de voir, pourrait-il reconnaître visuellement les mêmes objets ou non ? La réponse de Levinson est : non! Il n’est pas possible d’échanger des informations à travers les systèmes de représentation internes qui ne sont pas basés sur un unique cadre de référence. La vision est avant tout basée sur le cadre du locuteur (observateur) et le toucher utilise surtout le cadre de l’objet (Levinson 2003, 56).

Disons maintenant quelques mots de certaines langues que Levinson et ses collaborateurs ont étudiées. Commençons par le tzeltal. Il s’agit d’une langue maya parlée au Mexique. Ses locuteurs utilisent le cadre de référence absolu. Les directions cardinales sont dérivées des caractéristiques de l’environnement : nord = descendant, sud = montant, est et ouest = à travers. Soulignons que la plupart des langues à cadre de référence absolu s’appuient sur des données invariantes de l’environnement, par exemple le relief. Cela se retrouve chez les verbes : descendre = progresser vers le nord. Un fait intéressant est que cette langue ne possède pas de préposition équivalente à dans (qui, comme on le verra plus tard, est une des prépositions spatiales fondamentales). En effet, au lieu d’avoir une unique préposition, on a plusieurs expression locatives équivalentes à dans et spécialisées pour différents types de conteneurs.

Il est important de souligner que les locuteurs du tzeltal n’utilisent jamais le cadre de référence relatif et par conséquent n’ont pas de notions équivalentes à gauche, à droite, devant, derrière. Ils ont quand même des termes pour la main droite et la main gauche, mais n’appliquent pas ces adjectifs aux autres parties du corps et encore moins aux régions spatiales. Leur culture matérielle favorise la symétrie et ils ont des difficultés pour distinguer la position des objets sur l’axe vertical. Le temps est conçu comme s’étendant vers le sud (Levinson, 1996b, 376).

L’autre langue est la langue guugu yimithirr, parlée par un peuple de Hopevale, North Queensland (analysée par Haviland 1979, 1993). La conceptualisation de l’espace dans cette langue est basée sur le cadre absolu et il n’y a pas de mots pour des concepts tels que devant, derrière, droite, gauche. La possibilité d’employer le cadre de référence relatif n’existe même pas. Dans cette langue, il n’y a aucune préposition équivalente à dans : la relation de containement ne peut être exprimée que métaphoriquement. De plus, l’opposition présence/absence de contact n’existe pas dans le cas des relations liées à l’axe vertical : ceci dit, il n’y a pas de mot équivalent à sur, mais uniquement une expression équivalente à au-dessus (Levinson, 1996, 364). Une caractéristique extraordinaire des langues à système absolu est que, dans la description du mouvement, elles spécifient la direction sans aucune référence aux endroits, points de repère ou sites 59 . Deux moments dans le temps suffisent pour fixer un angle absolu du mouvement (par exemple voler au Nord).

Levinson stipule et atteste par un certain nombre d’expérience que cela a des fortes implications cognitives : les locuteurs du guugu yimithirr voient et mémorisent le monde autour d’eux d’une façon très différente des Occidentaux. De plus, la façon dont ils conçoivent l’espace ébranle une des prédictions les plus importantes des sciences cognitives : que les relations spatiales sont basées sur les axes définis par le corps humain.

Passons maintenant au travail expérimental de Levinson. Il est basé sur la procédure suivante : on vérifie quel cadre de référence est employé dans une langue et ensuite on fait la prédiction que ce cadre de référence sera aussi employé dans des tâches non linguistiques et que les cadres de référence qui n’existent pas dans la langue en question ne seront pas utilisés dans les tests de mémoires et d’inférence logique. On teste trois types de comportement non-linguistique : a) la gesticulation, b) l’orientation dans un environnement inconnu et c) les tâches liés à la mémoire et aux inférence spatiales (dans des conditions contrôlées).

Les locuteurs de tzeltal montrent qu’ils utilisent le cadre absolu même dans leurs gestes ; lorsqu’ils racontent les mythes qui parlent d’endroits qui existent vraiment, ils pointent avec la main sur ces endroits avec une précision d’une boussole. Même si on leur demande de se tourner de 180 degrés, ils vont toujours pointer de la même manière (dans la même direction). Ou bien, si on leur demande de décrire la localisation d’un endroit connu qui se trouve dans une localité distante, ils vont imaginer qu’ils se sont déplacés au centre de cette localité et montrer avec la main où cet endroit se trouve par rapport à ce point (Levinson, 1997, 23).

Pour la capacité à s’orienter, le locuteur doit se déplacer d’un certain endroit x (où il a été amené) vers une ville locale. Pour ce faire, il doit connaître (ou être capable de calculer) l’angle de la position de cette ville par rapport à x. Il doit donc connaître à tout moment sa position en prenant en considération la distance parcourue et le changement constant de l’angle. Dans les tests en question, dix personnes ont été amenées à plusieurs endroits inconnus (dans la forêt) et devaient montrer la position d’un certain nombre d’endroits éloignés de sept à trois cents kilomètres. Il leur fallait donc deviner le bon angle. La faute moyenne n’était que de 4%. Cela prouve que les locuteurs du tzeltal ont un sens de l’orientation presque parfait (Levinson, 1998, 14). Ainsi, le système absolu rend possible une abstraction indépendante de la perspective individuelle, permettant aux individus de devenir des points géographiques sur le terrain. Il est excellent pour s’orienter dans une région inconnue ou pour décrire un chemin là où il n’y a pas de routes définies. Bien évidemment, les résultats avec la population occidentale sont très différents. Amenés dans un endroit inconnu, les Occidentaux se sentent complètement perdus ; s’ils n’ont pas laissé de traces, ils ne peuvent jamais retrouver leur chemin dans la forêt. Mais cela ne veut pas dire qu’employer le système relatif est par défaut un désavantage. En effet, le cadre référentiel relatif s’accorde bien avec une culture qui promeut la perspective individuelle, centrée sur un ordre dépendant de l’observateur (comme dans les systèmes d’écritures ou le symbolisme des notions droite et gauche). Grâce à ce type de système, on arrive à distinguer facilement on de no. Pour les locuteurs du tzeltal, cela représente un problème (Levinson, 1998, 13).

Dans l’exemple typique d’expérience sur la mémoire du raisonnement spatial, on montre aux participants un stimulus sur la table. Il s’agit d’une suite d’objets ordinaires dont l’arrangement est non canonique. On leur donne suffisamment de temps pour le mémoriser. Ensuite, ils sont tournés de l’autre côté de la table (180 degrés) et ils doivent, soit reproduire, soit reconnaître le même stimulus. Le but de ce type d’expérience est de vérifier si les participants font la rotation des coordonnés, autrement dit, s’ils utilisent les cadres de références égocentriques ou allocentriques (qui peuvent être absolus ou intrinsèques) (Levinson et al., 2002, 165). Les résultats de telles expériences montrent que les locuteurs du tzeltal vont, malgré la rotation de 180 degrés, préserver la position fixe de chacun des objets par rapport aux autres objets. Ils vont reconstruire les relations entre les objets comme s’ils les voyaient encore de leur position initiale, préservant les angles non orthogonaux et les distances métriques. Tout au contraire, les locuteurs du hollandais reproduisent la suite des objets de telle sorte que les relations entre les objets (par exemple A est à gauche de B) restent identiques depuis leur nouveau point de vue (Levinson, 1997, 23).

En somme, tous les résultats sont convergents. Ils attestent qu’il y a une corrélation entre le cadre de référence qui existe dans la langue et le cadre de référence que l’on utilise dans le raisonnement et la mémoire (Levinson, 2002, 167 et Levinson, 2003, 171). Mais on peut toujours se demander si l’on ne peut pas voir les choses d’une manière différente : c’est alors la conceptualisation de l’espace elle-même qui est différente entre les cultures (à cause de certains facteurs non linguistiques, par exemple écologiques) et les différences dans le langage spatial n’en sont que la conséquence. Mais Levinson offre des preuves pour confirmer son attitude relativiste (que le langage détermine la conceptualisation spatiale et non vice versa).

Il y a des communautés qui partagent des cultures similaires et dont les membres vivent dans des conditions écologiques presque identiques. Par exemple, on peut observer trois langues maya dont les locuteurs vivent dans le même type d’environnement et partagent la même culture (la culture méso-américaine du maïs). Cependant, dans ces trois langues, on n’emploie pas les mêmes cadres de référence : par exemple, les locuteurs du mopan (langue maya) emploient uniquement le cadre de référence intrinsèque, les locuteurs du yukatek (langue maya) emploient les trois cadres de référence (intrinsèque, relatif et absolu) et les locuteurs du tzeltal (langue maya) emploient les cadres de référence intrinsèque et absolu. Donc la culture matérielle et l’écologie ne sont pas seuls à déterminer la conceptualisation spatiale.

Si on parle une langue dans laquelle, par exemple, on emploie uniquement le cadre de référence absolu, on est obligé de coder mentalement les scènes en utilisant le cadre absolu. C’est la conséquence du fait que les cadres de référence ne sont pas inter- traductibles sans information supplémentaire.

Afin d’obtenir le consensus de la communauté dans le domaine des relations spatiales, une source partagée par tous les membres de la communauté doit exister : cela ne peut être que le langage ou un autre système sémiotique.

Bref, on peut en conclure que le système des orientations fixes est, selon Levinson, un fait social dans le sens de Durkheim : c’est un système arbitraire dont l’existence contraint les individus. Il est basé non seulement sur des caractéristiques naturelles mais aussi sur des conventions culturelles. En effet, par exemple, le lever et le coucher du soleil ne peuvent pas déterminer directement des points fixes à cause des variations dues aux solstices. Donc les cultures établissent des points référentiels fixes qui sont abstraits à partir de sources additionnelles diverses. Cela ne peut être acquis qu’à travers la communication et Levinson est catégorique sur ce point (cf. Levinson, 1996b, 371).

Tout cela veut dire que les systèmes de référence et des relations spatiales ne sont pas innés. Bien évidemment, comme l’explique Levinson, il y a un grand nombre de bases neurologiques et physiologiques qui gouvernent la relation entre l’organisme et son entourage et c’est sans doute la source rudimentaire des trois cadres de référence. Mais ce ne sont que des systèmes moteurs et perceptuels primitifs : c’est autre chose de les activer au niveau conceptuel (Levinson et al., 2002, 182). Autrement dit les systèmes de référence ne sont pas ce qu’on appelle des catégories naturelles 60 .

Il semble que, dans le développement cognitif, les prédispositions innées soient, grâce à l’input environnemental, progressivement transformées en représentations conceptuelles d’un niveau plus élevé. Le point de vue de Levinson est que la langue est le constituant principal de cet input environnemental.

Une des preuves en est que les systèmes de référence absolus diffèrent entre eux. Par exemple, en tzeltal downhill (descendant) signifie autre chose que downhill (descendant) en guugu yimithirr . De même dans les systèmes relatifs devant n’a pas toujours le même sens (voir la différence entre l’anglais et le hausa : orientation en miroir vs orientation en tandem ; on y reviendra par la suite).

Disons enfin que les systèmes de référence absolus sont les seuls concepts spatiaux qui dépassent dans leur abstraction l’idée que notre représentation de l’espace repose uniquement sur les relations entre les objets. Car, si on dit la borne Sud on ne se réfère plus seulement à la relation cible – site (figure – ground) : un vecteur abstrait est spécifié dans l’espace newtonien.

Notes
57.

Levinson raconte des anecdotes illustrant ce point. Un jour Levinson écoutait une histoire du vieux Tulo (locuteur de la langue Guugu Yimithirr). Soudain, le vieux Tulo s’arrête et lui dit : « Regarde cette fourmi au nord de mon pied! ». Dans un autre exemple, Slus (locutrice du Tzeltal) demande à son mari : «  Y a-t-il de l’eau chaude dans le robinet montant  ? ». Elle voulait en fait savoir si l’eau chaude serait dans le robinet qui se trouve dans la direction montante (Sud) si elle était à la maison. Ou, Xpet (une autre locutrice de Tzeltal), ne voit pas la différence entre deux photos qui sont identiques mais dont l’une est l’image en miroir de lautre (Levinson, 2003, 4).

58.

Nous allons les représenter dans la suite comme F et G.

59.

Les locuteurs de certaines langues « absolues » (comme le kayardild, cf. Evans 1995) utilisent même les directions cardinales comme racines des verbes (Levinson, 2003, 91).

60.

Les catégories naturelles peuvent être reconnues pendant l’acquisition de langage et elles ont quatre propriétés cruciales :

On les apprend très tôt, avant l’âge de trois ans.

On ne peut pas remarquer dans le développement une tendance à construire ces termes d’une autre manière.

Elles doivent exister dans le vocabulaire de base de toute langue.

Même dans des conditions défavorables (par exemple quand l’enfant souffre d’un déficit perceptuel), on peut les apprendre.