3.3 - Bilan

Dans ce chapitre, nous avons présenté les travaux actuels sur le temps et l’espace. Après une brève revue de la psychologie et la neurologie du temps, nous avons introduit l’ontologie de Vendler dans laquelle on fait la distinction entre les états, activités, accomplissements et achèvements, ainsi que les critères pour la faire. Ensuite, nous avons abordé la notion d’aspect et la théorie de Reichenbach, dans laquelle la sémantique de tout temps verbal est basée sur les relations entre les trois points : S (le moment de la parole), R (le moment de référence) et E (le moment de l’éventualité). Nous nous sommes spécialement concentrée sur l’opposition R=S et R≠S et nous avons montré qu’elle est valable non seulement pour le domaine temporel mais aussi pour le domaine spatial et qu’elle existe pour les expressions conceptuelles et procédurales.

Dans la deuxième partie du chapitre 3, nous sommes revenus sur les travaux de Jackendoff qui traitent, entre autres, de l’interface entre les structures conceptuelles et les représentations spatiales et de leur encodage dans le vocabulaire spatial, de la distinction entre les systèmes OÙ et QUOI, des différents cadres de référence, des traits et fonctions conceptuels, de l’importance des notions de lieu et de CHEMIN dans la sémantique des prépositions spatiales, ainsi que des différents natures et rôles des chemins.

Ensuite, nous avons présenté les travaux de Herskovits et de Talmy.

Herskovits est contre la représentation purement géométrique des objets des relations spatiales, car les arguments des prépositions ne peuvent pas être réduits aux représentations géométriques comme des points. Selon cet auteur, on a trois types principaux de prépositions spatiales : les prépositions de localisation, les prépositions de mouvement et les misfits. Cependant les prépositions de localisation peuvent avoir des sens motionnels et les prépositions de mouvement des sens statiques.

En analysant notre conceptualisation de la structure spatiale Talmy distingue deux sous-systèmes principaux, qu’il appelle matrice et contenu, ainsi que leurs relations. A notre avis, la plus grande contribution de Talmy est son analyse des caractéristiques et des types de l’objet focal et de l’objet référentiel (primaire et secondaire). Partant de ces notions, il donne les vingt paramètres qui sont pertinents dans la configuration spatiale.

Dans l’avant-dernière section, nous avons décrit le travail de Vandeloise sur les prépositions spatiales en français. Vandeloise introduit les primitifs conceptuels (‘«’ ‘ les traits universels ’»), qui sont à la base des prépositions spatiales : les directions déterminées par la symétrie du corps humain, les concepts de la physique naïve (relation porteur – porté, contenant – contenu, l’axe vertical), l’accès physique et l’accès à la perception, la rencontre potentielle, l’orientation générale et l’orientation latérale. De plus, il donne les règles d’usage des prépositions spatiales, qui nous serons très utiles par la suite.

Levinson dans ses travaux offre des preuves théoriques et expérimentales que la conceptualisation de l’espace est différente chez les locuteurs des langues différentes. Il s’arrête notamment sur les différents types de cadres de références. L’opinion de Levinson est que le choix d’un certain type de cadre de référence (même dans les tâches non linguistiques telles que l’orientation sur le terrain) est lié au type de langage que l’enfant acquiert et qu’il utilise dans sa communication.

La remarque générale qu’on peut faire est que, bien que les travaux de ces quatre auteurs soient exhaustifs, intéressant et sans doute précieux pour nos analyses, aucun d’entre eux n’a formulé une ontologie de l’espace analogue à l’ontologie temporelle de Vendler. C’est pourquoi, dans le chapitre suivant, nous allons essayer de proposer une ontologie d’entités et des relations spatiales de base. C’est en nous servant de cette ontologie spatiale que nous allons essayer de définir et comprendre non seulement les prépositions spatiales de base et leurs usage standard et non standard mais aussi les prépositions spatio-temporelles et temporelles.