4.1 - Introduction

Il a déjà été question d’ontologie au chapitre précédent, où nous avons évoqué l’ontologie temporelle qu’a proposée Vendler (1957, 1967). Comme nous l’avions noté, si l’on dispose depuis Vendler d’une ontologie temporelle, jusqu’à une date récente, aucune ontologie spatiale (au sens propre d’ontologie) n’a été proposée. En effet, les différents cadres de référence qui ont été discutés au chapitre 3 ne constituent en rien une ontologie spatiale : ils ne disent rien de la nature des entités spatiales mais se contentent de donner des moyens de s’orienter dans l’espace. C’est avec les travaux de Casati & Varzi (1995, 1999), qu’apparaît une authentique ontologie spatiale, dont on verra qu’elle sous-tend l’ontologie vendlerienne décrite précédemment.

De fait, les travaux de Casati et Varzi viennent sous-tendre et compléter les notions de cadres de référence, mais aussi d’autres notions que nous avons rencontrées plus haut, comme, par exemple, la notion de bornage, de même qu’ils permettent d’expliquer certaines des découvertes des expériences sur la physique naïve chez les nourrissons (cf. Spelke 1994, Baillargeon et al. 1995, Bloom 2000), comme nous le verrons dans la suite du présent chapitre.

L’ontologie spatiale de Casati et Varzi, tout au moins dans l’interprétation que nous en donnons, est universelle, dans le sens où il n’est pas question qu’elle soit sujette au relativisme linguistique : à la différence des cadres de référence, on la retrouve dans toutes les langues et elle ne dépend d’aucun système linguistique spécifique. Dans cette mesure, on peut supposer que les langues (du point de vue spatial, s’entend) peuvent différer quant aux cadres de référence qu’elles utilisent, mais s’accordent sur l’ontologie spatiale qui sous-tend leur système de représentation spatiale (et, comme on le verra, leur système de représentation temporelle). D’autre part, certaines prépositions, comme nous le verrons au chapitre 5, notamment les prépositions spatiales sur et dans en français, peuvent être formalisées directement dans cette ontologie 61 , alors que d’autres (les prépositions projectives, comme à gauche, à droite, devant, derrière, etc.) doivent y adjoindre les cadres de référence.

Dans ce chapitre, nous commencerons par exposer l’ontologie de Casati et Varzi, avant de montrer comment elle sous-tend un certain nombre de notions que nous avons rencontrées précédemment et comment on peut lui adjoindre les cadres de référence.

Notes
61.

Nous n’avons pas oublié que certaines langues (notamment certaines des langues maya, décrites par Levinson, 1996, 2003), dont il a été question à la fin du chapitre précédent — cf. § 3.2.5 — n’ont pas ces prépositions dites topologiques. Nous en discuterons au chapitre 5.