6.4.1.1 - Commentaires

Comme on peut le voir sur le tableau ci-dessus, pour les verbes spatialement statiques, on a une uniformité quasi-totale : avec les phénomènes naturels efficaces, na (sur)est utilisé dans toutes les langues examinées. Cependant, en tchèque, il est possible d’employer pod (sous). Le fait que pour la même relation on puisse utiliser deux prépositions complémentaires (sur et sous) est seulement étonnant à première vue : en effet, lorsque na est utilisé, l’accent est mis sur le contact discret entre deux entités (par exemple : dormir et le soleil, en tant que lumière et chaleur), tandis qu’avec pod on donne une image plus concrète. Cependant, le site, à savoir le soleil (en tant que source matérielle de lumière et de chaleur), est toujours vu comme au-dessus de l’homme (la cible) en train de s’adonner à quelque activité que ce soit. Ajoutons ici, qu’en polonais, w (dans)est aussi possible. Cela suggère que les phénomènes naturels peuvent aussi être vus comme des containeurs.

Pour les phénomènes naturels non-efficaces, dans toutes les langues, une préposition équivalente à dans est utilisée. Cela n’étonne point, car des entités comme l’ombreou l’obscurité ressemblent à des entités plus matérielles comme l’eau ou l’air et pour ces dernières on utilise normalement dans (ces entités sont toujours vues comme des containeurs).

S’agissant des verbes spatialement dynamiques, pour les phénomènes naturels efficaces, po est utilisé en serbe, en bulgare, en russe ainsi qu’en polonais, où, on le remarquera, w (dans)peut aussi être utilisé. La seule exception est le tchèque, dans lequel po peut uniquement être utilisé avec des objets strictement spatiaux (po stolu, po zemi = sur la table, sur la terre), et où, par conséquent, les prépositions pod (sous) et za (pendant) sont utilisées. Manifestement, dans le premier cas, ce qui est pertinent est la localisation spatiale de la cible, tandis que dans le deuxième cas, il y a une lecture temporelle.

Avec les phénomènes naturels non-efficaces, po est utilisé en serbe, en bulgare et en russe, alors qu’en polonais et en tchèque w/ve (dans) est employé. Cela prouve que dans ce cas les phénomènes naturels non-efficaces sont vus comme containeurs.

En vérité, le seul domaine où on peut vraiment parler de variation est la lecture temporelle avec des verbes spatialement statiques. Comme on l’a déjà expliqué, ces verbes, contrairement aux verbes spatialement dynamiques, ne présupposent pas le passage du temps. En effet, pour les phénomènes efficaces, po est acceptable uniquement en serbe. En russe, la lecture temporelle est créée avec la préposition v (dans) ;en tchèque, elle est très explicite grâce à la préposition za (pendant). Les deux langues où la lecture temporelle n’est pas linguistiquement marquée par une préposition spéciale sont le polonais et le bulgare. En polonais, on remplace le groupe prépositionnel par une proposition temporelle, comme kiedy pada deszez (= quand il pleut). En bulgare, na est toujours utilisé, que la lecture soit temporelle ou spatiale. En effet, l’opposition lecture spatiale/lecture temporelle exprimée par une opposition grammaticale : présence/absence de l’article défini. Ce cas extrêmement intéressant est discuté dans la section suivante.

Avec les phénomènes naturels non-efficaces, la situation est très similaire : po est utilisé uniquement en serbe, le russe choisit v (dans) et le tchèque za. En bulgare, comme pour la lecture spatiale (non-temporelle), on utilise v, mais on joue sur l’opposition présence/absence de l’article défini. Enfin, on emploie en polonais une proposition temporelle. Soulignons que, dans toutes les langues slaves analysées, il y a la possibilité d’exprimer la lecture temporelle par des moyens grammaticaux.

La conclusion de cette analyse est que, parmi toutes les langues slaves examinées, le tchèque est le seul qui ignore l’opposition po/na/u et qui se sert de prépositions différentes. Cependant le fait que na (sur) peut être utilisé pour dire au soleil, dans le cas de verbes spatialement statiques et de phénomènes naturels efficaces, suggère que l’opposition discret/continu joue aussi en tchèque pour les relations non-spatiales.