D’après notre analyse, le kikuyu est sensible non seulement à la nature de la cible, mais aussi à la nature du site. Les exemples qui suivent vont illustrer cette double dépendance.
Pour traduire la phrase Le café est renversé sur la table,on a deux possibilités : soit la préposition iguru (sur), soit le suffixe locatif ini (à) est employé :
Café renversé sur table / table-à
Le café est renversé sur la table.
Cependant, la même règle vaut pour les objets discrets :
Livre un est sur table / table-à
Un livre est sur la table.
Livres trois sont sur table table-à
Trois livres sont sur la table.
Chose curieuse, pour Les livres sont tombés par terre ou Un livre est tombé par terre,aucune préposition n’est employée, car le mot thi (sol)ne demande pas de préposition :
Livres tombé terre
Des livres sont tombés par terre.
Livre tombé terre
Un livre est tombé par terre.
Enfin, pour, Des feuilles sont tombées sur ses cheveux, seul ini est correct, tandis que pour Une feuille est tombée sur ses cheveux, on a le choix entre iguru (sur) et le locatif ini (à).
sg-feuille il-passé-lui-tomber cheveux-loc
Une feuille est tombée sur ses cheveux.
sg-feuille il-passé-lui-tomber cheveux-sur
Une feuille est tombée sur ses cheveux.
pl-feuille ils-passé-lui-tomber cheveux-loc
Une feuille est tombée sur ses cheveux.
Bref, il semble qu’on a trois possibilités en kikuyu : 1) sans préposition pour les objets discrets et comptables lorsqu’il s’agit des choses qui tombent par terre ; 2) iguru (sur) et ini (à) pour les objets comptables (singuliers ou pluriels) et pour la substance continue ; 3) seul ini est acceptable pour une multitude de feuilles, qui ne sont pas individualisées. Visiblement, le kikuyu considère comme marquée la situation où une multitude d’objets se comporte comme une masse 140 .
Nous aimerions souligner ici que cette analyse des facteurs déterminant le choix de la préposition en kikuyu n’est que partielle. Nous traiterons ce phénomène dans nos travaux à venir.