7.2.1.1 - Sur

Commençons par les exemples attestés :

  1. Elle était si surprise que, sur le moment, elle en oublia de parler correctement. (Alice au Pays de Merveilles, Lewis Carroll)
  2. Il lui vint à l’esprit qu’elle aurait dû s’en étonner, mais, sur le moment, ça lui sembla tout naturel. (Alice au Pays de Merveilles, Lewis Carroll)
  3. Je vous prédis que, sur vous vieux jours, vous serez mangé par la goutte. (Mademoiselle de la Seiglière, Jules Sandeau)
  4. Lascours expliqua qu’il avait quitté la caserne d’Orsay sur les onze heures. (Aragon ; exemple emprunté à Wagner et Pinchon, 1962 ; 496)
  5. Lui, si patient tant qu’Hélène avait été là pour le contenir ou pour l’apaiser avec un sourire, sur un mot de marquis ou de la baronne, se livrait à des emportements qui les terrifiaient l’un et l’autre. (Mademoiselle de la Seiglière, Jules Sandeau)
  6. Sur onze cas de détournement d’images cités dans l’article, dix sont demeurés incontestés. (Le Monde, 1998)Usage non-temporel mais abstrait..

Avant de commenter les emplois temporels de sur, rappelons que Vandeloise dans son livre (Vandeloise, 1986, 184) souligne que cette préposition est, en plus de ses emplois statiques (sur la table, sur le mur, etc.), utilisée pour dénoter la direction, comme dans les phrases suivantes :

  1. Tournez sur la droite !
  2. Le monument est sur votre gauche.
  3. Il monte sur Paris.

L’auteur explique que sur met en évidence le mouvement préalable au contact (idem, 185). Selon lui, à partir de ces usages on obtient aussi les usages de sur comme dans la phrase :

  1. Ma grand-mère va sur ses quatre-vingts ans.
  2. Il est sur le départ

Vandeloise (idem) explique qu’ici il s’agit d’un contact abstrait, à savoir temporel. A notre avis, dans les exemples de Vandeloise (67) et (68), sur est employé pour désigner l’approximation et c’est, si l’on en revient à notre analyse de vers, lié à l’idée de mouvement : mais, à notre avis, il ne s’agit pas de mouvement préalable au contact, mais tout simplement du mouvement dans la direction du site.

Ceci dit, nous avons une autre explication pour les usage temporels de sur : à notre avis, il y garde son trait de contact qui est (voir le chapitre 5) très important (en fait plus important que le trait l’ordre sur l’axe vertical) dans son usage spatial.

Voyons les exemples (58) et (59). Il s’agit d’une expression idiomatique (sur le moment). Dans ce cas, sur est employé au lieu de à ou en, les prépositions à sémantisme nul qu’on emploie, normalement, avec moment (à ce moment, en ce moment). On peut y employer la préposition sur grâce au trait contact qu’elle a dans son sémantisme.

Le trait de contact entre deux entités temporellesest encore mieux visible dans les exemples (60) et (61) où l’on a la postériorité immédiate. Comment le contact devient-il la postériorité immédiate ? Si on se souvient que dans le domaine temporel on n’a qu’un axe, l’axe frontal, il est compréhensible que la relation d’antériorité/postériorité doive exister entre les deux entités temporelles en contact sur l’axe temporel.

Figure 4 :
Figure 4 : sur temporel

Rappelons que l’on avait aussi la même chose avec la préposition / conjonction dès (que). Ceci dit, on pourrait imaginer la phrase :

  1. Dès que le marquis ou la baronne prononçait un mot, il se livrait à des emportements qui les terrifiaient l’un et l’autre.

Disons enfin que, à notre avis, le trait de contact est présent dans l’usage abstrait non-temporel : dix cas sur onze (63).