7.2.5.3 - Bilan de l’analyse contrastive

L’analyse de différentes langues indo-européennes et non-indo-européennes montre qu’il y a au moins 175 cinq possibilités pour exprimer linguistiquement les relations spatiales et temporelles d’antériorité et de postériorité :

  1. Un système de deux prépositions qui sont en même temps spatiales et temporelles : c’est le cas du kikuyu.
  2. Le système 2 + 1, donc deux prépositions différentes pour les concepts derrière et après, mais une seule pour devant et avant : c’est le cas du tchèque, du polonais, du japonais et du louoMais, sous l’influence du swahili, on observe en louo une tendance à avoir quatre prépositions.. Notons que dans les deux premières langues derrière est néanmoins employé pour désigner la postériorité relative au moment de la parole (dans x temps).
    1. Le système 2 + 2, donc des prépositions différentes pour les relations spatiales et temporelles. Cependant, les deux prépositions spatiales basées sur l’orientation générale peuvent représenter les relations temporelles : c’est le cas du serbe, où devant signifie peu avant et derrière est utilisé pour la postériorité par rapport au moment de la parole et parfois même pour la postériorité en général.
    2. Le système 2 + 2, donc des prépositions différentes pour les relations spatiales et temporelles. Cependant, seule la préposition spatiale devant peut parfois recevoir le sens de avant : c’est le cas du swahili et du russe.
  1. Le système 2 + 2, donc des prépositions exclusivement spatiales et des prépositions spatio-temporelles basées sur l’idée d’ordre dans le mouvement. C’est le cas du français, de l’arabe et dans une certaine mesure de l’anglais.

Une conclusion assez frappante surgit de cette analyse : les langues montrent une tendance assez uniforme à garder ou à tolérer devant avec le sens de avant (et certaines langues n’ont même pas de lexèmes différents pour l’antériorité dans l’espace et le temps), tandis qu’elles cherchent à avoir des prépositions spécifiques pour derrière et après. Nous allons essayer plus tard d’expliquer ce phénomène.

La situation relative aux langues parlées au Kenya mérite aussi un commentaire : les langues bantoues (comme le kikuyu, le kamba, le meru, etc.) n’ont en général pas de prépositions spécifiées pour les concepts d’antériorité et postériorité. Cependant le swahili (une langue d’origine également bantoue), sous l’influence de l’arabe, a modifié son système et possède quatre prépositions. A son tour, le louo (une langue nilo-saharienne) moderne, a emprunté la préposition mbele du swahili (qui est, dans cette optique, une langue véhiculaire entre l’arabe et le louo) afin d’obtenir un système de quatre prépositions.

Notes
175.

Cette liste n’est pas exhaustive. Elle est formulée à partir des langues examinées ici.