8.2.1.2 - Prépositions désignant les relations temporelles — expressions procédurales

Comme on l’a déjà vu dans cette thèse, en français, deux prépositions différentes sont employées pour indiquer la relation de postériorité (A après B) : en effet, si les termes sont n’importe quels moments dans le passé ou le futur la préposition après est employée. Cependant, si on réfère à partir du moment de la parole (si B est égal à S), on emploie la préposition dans et maintenant est sous-entendu :

  1. Je pars dans trois jours. (S = R)
  2. Ilarriva trois jours après Noël. (S≠R)

Manifestement l’opposition entre après et dans temporel n’est rien d’autre que l’opposition entre S=R et S≠R. Autrement dit dans temporel pourrait être analysé comme postériorité par rapport à S et après comme postériorité par rapport à non-S.

En anglais l’opposition est linguistiquement isomorphe : in (dans) vs after (après).

  1. I am leaving in three days.

Je pars dans trois jours.

  1. He arrived three days after Christmas.

Il est venu trois jours après Noël.

En serbe dans le premier cas (S=R) on emploie la préposition kroz (à travers) ou za (derrière dynamique), mais jamais posle (après), qui indique obligatoirement que R est différent de S et qui est par conséquent, employé dans le deuxième cas :

  1. Putujem za/ kroztri dana.
  • Pars derrière/à travers trois jours :
  • Je pars dans trois jours.
  1. Dosao je tri dana posle Bozica.
  • Arrivé est trois jours après Noël.
  • Il est arrivé trois jours après Noël.

Notons que, au lieu de posle, on peut employer la préposition iza (derrière dynamique) :

  1. Dosao je tri dana izaBozica.
  • Arrivé est trois jours derrière Noël.
  • Il est arrivé trois jours après Noël.

En swahili, dans le premier cas, la proposition relative est employée et, dans le deuxième cas, on utilise la préposition qui signifie après.

  1. Ni-na-safiri siku tatu zi-li-zo-pita.
  • Je-présent-partir jours trois ils-passé simple-qui-passer
  • Je pars dans trois jours.
  1. A-li-kuja siku tatu badaa ya Christmas.
  • Il-passé simple-arriver jours trois après Noël/
  • Il partit trois jours après Noël.

La situation en kikuyu est identique à celle du swahili. Dans le premier cas, on a thiku itatho ciukite (trois jours qui viendront) et, dans le deuxième, on emploie thutha, une préposition spatio-temporelle qui signifie derrière ou après.

  1. Ni-nguthie thiku itako ciukite.
  • Je-vais partir jours trois qui vont venir
  • Je pars dans trois jours.
  1. Fred a-kiny-ire thuthawa matuku atatu.
  • Fred il-arriver-passé derrière de jours trois
  • Fred arriva trois jours après.

Le louo n’exprime pas l’opposition en question en utilisant deux prépositions différentes. Dans les deux cas, on emploie bang, la préposition temporelle qui signifie après :

  1. A-biro-dhi-bang-ndalo-adek.
  • Je-futur-aller-apres-jours-trois
  • Je pars dans trois jours.
  1. Fred-o-biro-bang-ndalo-adek Christmas.
  • Fred-il-arriver-apres-jours-trois Noël
  • Fred arriva trois jours après Noël.

En japonais, on peut dans les deux cas employer le groupe postpositionnel go ni, ainsi on obtient mikka go ni (trois jours après locatif.).

  1. Watashi wa mikka-go nidemasu.
  • Je part1 3jours-apres part3 pars
  • Je pars dans trois jours.
  1. Fred wa kurisumasu no mikka-go nitouchakushita.
  • Fred part1 Noel part2 3jours-apres part3 arriver-passé
  • Fred arriva trois jours après Noël.

Mais si on veut préciser que c’est après un moment différent de S, on ajoute le démonstratif : sono mikka go ni (ces trois jours après locatif).

  1. Fred wa kurisumasu no sono mikka-go nitouchakushita
  • Fred part1 Noel part2 ces 3jours-apres part3 arriver-passé
  • Fred arriva trois jours après Noël.

Enfin, en arabe on emploie fi (dans) pour la postériorité par rapport au moment de la parole et baad (après) pour la postériorité par rapport à un moment différent de S :

  1. Adhabo fi talati ayyam.
  • Pars dans trois jours
  • Je pars dans trois jours.
  1. Sa yasilo talatata ayyamin baâda Noël.
  • Ilarriva trois jours après Noël.
  • Il arriva trois jours après Noël.

Une observation mérite d’être mentionnée à ce point : les langues montrent une forte tendance à utiliser des prépositions spéciales (toujours d’origine spatiale) pour désigner la postériorité au moment de la parole (S). Mais, lorsqu’il faut désigner l’antériorité par rapport à S, on ne trouve jamais de prépositions spécialisées, mais en général des locutions comme il y a + complément du temps.

Ainsi, on a en français l’opposition entre trois jours avant X et il y a trois jours. En serbe, entre tri dana pre X (trois jours avant X) et ima tri dana (il y a), en swahili, entre siku tatu kabla ya X (trois jours avant X) et siku tatu zilizopita (trois jours qui sont passés), en kikuyu, entre thiku ithatu mbere X (trois jours avant X)et thiku ithatu thiru (trois jours finis), en arabe, entre kabla talati ayyam et menza talati ayyam (trois jours avant et il y a trois jours). En japonais, dans les deux cas on emploie mae (devant/avant)et en louo dans les deux cas on emploie la préposition nyim (devant/avant).

De plus, certaines langues, comme par exemple, le serbe et le kikuyu, qui par ailleurs explicitent l’opposition dans/après, tolèrent l’emploi d’avant même si S=R. Ainsi pour dire Il est venu il y a trois jours, on dit en serbe (74) ou (75):

  1. On je dosao ima tri dana.
  • Il est venu à trois jours.
  1. On je dosao pre tri dana
  • Il est venu avant trois jours.

De même, en kikuyu on peut dire :

  1. O kire mbere wa thiku ithatu
  • Il venir-passé avant de jours trois
  • Il est venu il y a trois jours.
  1. O kire thiku ithatu thiru.
  • Il venir-passé jours trois finis.
  • Il est venu il y a trois jours.