8.4. - Conclusion

Essayons de situer les analyses présentées dans ce chapitre relativement aux conclusions des chapitres précédents. Les prépositions qui sont habituellement considérées comme ni spatiales ni temporelles (pour, par, avec) peuvent avoir des usages spatiaux et temporels justement parce que dans leurs sémantismes elles possèdent des traits primitifs de l’ontologie spatio-temporelle. Il s’agit de traits comme la directionnalité, le bornage etle contact. Ces traits rendent possible tout à la fois leurs usages spatiaux et temporels. L’exception, à savoir le fait que la préposition avec n’a pas d’usages spatiaux, s’explique par le fait que l’on a un certain nombre de prépositions spatiales désignant les différents types du contact et que l’on a pas besoin d’elle.

Les résultats de l’analyse contrastive du phénomène de ‘«’ ‘ l’opposition S=R et S≠R » ’montrent que, d’un côté, au niveau spatial, et de l’autre, dans le domaine des expressions conceptuelles, on peut parler d’une uniformité totale. Il n’est pas étonnant que chez les expressions conceptuelles (spatiales, comme dans le cas de aller – venir et temporelles, comme dans le cas de hier – la veille) cette opposition soit toujours marquée, car il s’agit d’un système ouvert et productif. Disons aussi que c’est justement l’existence de cette opposition déictique dans les expressions conceptuelles qui ébranle l’attitude défendue par certains linguistes qu’une expression est soit procédurale, soit conceptuelle. Nous postulons qu’il s’agit plutôt d’un continuum et qu’on a par conséquent des expressions mixtes (qui sont en même temps procédurales et temporelles).

Les différences entre les langues examinées apparaissent au niveau temporel dans le domaine des expressions procédurales : les prépositions et les temps verbaux. Ainsi, il y a des langues qui explicitent l’opposition après S/après non-S ou temps du passé pertinent à S et temps du passé non pertinent à S. Mais si dans certaines langues l’opposition en question n’est pas explicitée dans ce domaine, ce n’est pas parce que les locuteurs y sont insensibles, mais parce que les différents sens peuvent être inférés grâce aux informations contextuelles.

La dernière analyse de notre thèse concerne les usages non standard des déictiques spatiaux. Ces usages sont basés sur la fonction essentielle (indexicale) des déictiques – ils servent à pointer. Ceci dit, ici ne réfère pas toujours à l’endroit où se trouve le locuteur mais il peut aussi référer à l’endroit sur lequel le locuteur pointe. Si on peut pointer sur les objets, des entités spatiales, on peut aussi pointer sur les événements, entités temporelles qui existent dans l’espace narratif, qui à son tour est obligatoirement temporel. Cette fonction des déictiques spatiaux est joliment illustrée par le déictique hapa en swahili qui est très souvent utilisé dans la narration avec le sens de soudainement. Qu’un déictique puisse être ontologiquement neutre, c’est-à-dire ne pas référer au point dans l’espace où se trouve le locuteur (ou le interlocuteur) ou au moment de la parole, mais représenter le fait de pointer sur quelque chose est confirmée par l’existence du déictique serbe tu. Il sert à pointer sur une entité sans préciser (par défaut) qu’elle est spatiale ou temporelle et sans la lier au locuteur.