Introduction

"J'ai grand hâte de me tirer le plus rapidement possible de la laideur qui environne Paris."
Stendhal, 1823.

"Pauvre banlieue parisienne, paillasson où chacun s'essuie les pieds, crache un bon coup et passe, qui pense à elle ? personne."
L.-F. Céline, 1941.

Il n'est pas besoin de chercher loin pour trouver, au sujet de la banlieue parisienne, un foisonnement hétéroclite de pensées toutes faites, de clichés et d'images où le misérabilisme côtoie la condescendance. La laideur semble consubstantielle au terme même de banlieue. Aujourd'hui encore, que connaît-on de la banlieue ? L'amoncellement des baraques et des petites maisonnettes, les immeubles collectifs qui ont fleuri dans les années 1970, l'absence d'unité architecturale, les trains de banlieue, boîtes de conserve taguées, reliant Paris en brinquebalant, toujours bondés : depuis les années 1980, la banlieue a mauvaise presse auprès du grand public ; mais, conséquence de ce "mal être", de cette "crise des banlieues", acteurs et observateurs de la ville ne se sont jamais autant intéressés à ces espaces en marge de la ville.

Banlieue, "suburbs", faubourgs, cité ou zone, les mots pour nommer cet espace sont nombreux, bien que la plupart aient une connotation négative 1 . L'éloignement, la misère, l'insalubrité semblent l'apanage de ces quartiers périphériques, avatars de toutes les peurs citadines 2 . Le pluriel sied aux faubourgs, le singulier reste souvent de mise pour "la" banlieue, accusée d'être le lieu de tous les maux de nos sociétés urbaines. Cette uniformité cache mal la diversité des situations, la coexistence d'un discours positif sur la banlieue résidentielle et d'un discours négatif sur les cités, cumulant marge spatiale et sociale. Cette omniprésence du singulier, trop souvent réducteur, a été l'un des points de départ des questionnements qui ont nourri mon travail. C'est donc le pluriel qu'il convient de rechercher, suivant en cela les pistes lancées depuis plus de deux décennies par les historiens du social. Derrière l'apparente uniformité, il s'agit de débusquer la diversité et l'originalité des territoires.

Notes
1.

Faure, A., "Un faubourg, des banlieues, ou la déclinaison du rejet", Genèses, 51, juin 2003, pp. 48-69.

2.

Sur ces peurs citadines associées à la périphérie, cf. Chevalier L., Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris, pendant la première moitié du XIX e siècle, Hachette 1984 [1978] ; Jacquemet, G. "Belleville ouvrier au XIXe siècle", Mouvement Social, 118 janv.–mars 1982, pp. 61-77 ; Faure, A., "Paris au diable Vauvert, ou la Fosse aux lions", Histoire urbaine, 2/déc. 2000, pp. 149-169, Vieillard-Baron, H., "De l'effroi technique à la peur des banlieue", Histoire Urbaine, 2/déc. 2000, pp. 171 -187.