I- Aux marges des faubourg de Paris : un territoire en construction

A. Trois paysages façonnés par l'homme
- une approche territoriale de l'espace urbain

Le choix de réaliser une étude sur un terrain restreint de la banlieue parisienne permet une pluralité des approches. L'approche spatiale, aujourd'hui largement utilisée, constitue l'un de ces axes. La notion de "terrain" ou de "territoire", devenue familière aux historiens du social 46 , est revendiquée par les historiens de la ville 47 qui considèrent l'analyse du substrat géographique, au sens large du terme, comme un élément important de l'appréhension de l'histoire du paysage.

Or, la formation du paysage de la banlieue parisienne se situe au cœur même de cette étude : dans l'analyse des représentations du monde urbain véhiculées par les élites, une phase préliminaire de compréhension des conditions d'émergence de cet espace et de son entrée dans "l'urbanité" semble nécessaire. En se plaçant dans la droite ligne des écrits portant sur la banlieue parisienne, il est évident que le retour aux conditions de création du paysage urbain parait primordial. Jean Bastié, le premier, utilise une analyse proche de la géographie historique pour tenter de montrer les spécificités des formes de croissance de la banlieue parisienne, mais ne néglige en rien l'importance, encore forte, du site naturel dans l'explication des foyers de départ des concentrations humaines. Jean-Paul Brunet plus encore, tout en centrant son analyse sur Saint-Denis, met largement en perspective les conditions géographiques de constitution d'un espace fortement industrialisé et urbanisé. Au nord de Paris, la Plaine de France facilite ainsi l'accès rapide à la capitale tout en permettant le développement rapide des infrastructures dans un paysage sans contraintes géographiques majeures. Ce lieu ancien de communication conserve toutefois certains caractères ruraux que l'on retrouve dans de nombreuses communes de la banlieue parisienne 48 , et qui avant la fin du siècle posent le problème de la concurrence entre espaces agricoles et espaces industriels. Au sud-ouest de Paris, le paysage naturel fournit certains éléments d'explication de localisation d'activités particulières : la présence d'un sous-sol calcaire a attiré de nombreuses entreprises centrées autour de son exploitation, briqueteries, carrières, glaisières. La banlieue sud-ouest participe de ce fait, par l'extraction des richesses de son sol, à l'édification de Paris jusqu'à l'ère du béton armé.

Le territoire est donc ainsi un espace construit et transformé par les hommes ; mais s'il est une construction économique se basant en partie sur des conditions géographiques favorables, il est aussi largement une construction intellectuelle qui semble parfois exclure toute référence aux paysages naturels.

Notes
46.

Faure A. (dir.), Les premiers Banlieusards. Aux origines de la banlieue de Paris, 1860-1940. Créaphis, 1991 ; La terre et la cité. Mélanges offerts à Philippe Vigier, Créaphis, 1994 ; Vigier, P. "pour une histoire de la banlieue : quelques jalons et suggestions concernant l'Ouest parisien au siècle dernier", in Mélanges Mandrou, histoire sociale, sensibilités collectives et mentalités. Puf, 1985, pp. 383-397.

47.

Roncayolo M., La ville et ses territoires, Folio, 1990 ; Roncayolo, M., "l'aménagement du territoire (XVIIIe–XXe siècles)", in Burguière, A. et Revel, J. (dir.), Histoire de la France, l'espace français. Seuil, 2000 [1989], pp. 367-554.

48.

Brunet, J.-P., Une banlieue ouvrière : Saint-Denis, 1890-1939. Problèmes d'implantation du socialisme et du communisme. Thèse, 1982, 1647 p.