1. Une situation géographique spécifique au sein de la région parisienne.

a. l'intégration dans un vaste espace naturel

Le territoire choisi, aux contours administratifs définis, s'inscrit dans un espace beaucoup plus large marqué par une forte homogénéité morphologique. L'histoire géologique de la construction du bassin fournit des éléments d'unité paysagère non négligeables, qui sont relayés par la description du paysage né de cette histoire : altitudes moyennes faiblement élevées, alternance de plateaux et vallées aux faibles déclivités, coteaux en pentes douces : les paysages de l'Ile-de-France s'ancrent dans un territoire de douceur et d'absence de contraintes physiques.

De la phase sédimentaire de sa construction, le bassin parisien conserve de forts caractères d'homogénéité : dépôt de sédiments marins puis aériens, "alternant d'une part calcaires et grès, d'autre part marnes, argiles et sables 52 " et organisation en couches sédimentaires inclinées vers la cuvette parisienne formant le centre du bassin 53 . Des éléments tectoniques de surrection du bassin et d'effondrement des cours d'eau, plus tardifs, contribueront à casser cette homogénéité en faisant émerger, par l'érosion différentielle, des buttes-témoins (Montmartre, Mont Valérien, Butte aux Cailles) et un relief de cuesta d'autant plus prononcé que l'on s'éloigne du centre vers le nord ou l'est. Au début du tertiaire, la construction géologique connaît de nouvelles formes de sédimentation, qui ne sont plus effectuées dans un milieu marin et qui vont de ce fait être moins homogènes sur l'ensemble du territoire, composé d'une part de dépôt de roches détritiques issues de l'érosion sur place des roches existantes, d'autre part de dépôts de sédiments apportés essentiellement par le vent et provenant de l'érosion d'autres régions, tout particulièrement du Massif Central 54 . Enfin, le quaternaire voit la formation quasi définitive des paysages du bassin parisien. Le creusement des vallées du quaternaire ancien et l'érosion qui suivit ce phénomène donne naissance à une nouvelle génération de plateaux qui semblent encadrer la cuvette de Paris, s'élevant progressivement au fur et à mesure que l'on s'éloigne vers l'est.

Ces phases de construction mettent en avant, sous un premier aspect de relative douceur du paysage, des lieux aux formes plus accentuées qui vont se révéler essentielles dans l'explication des localisations des bourgs dans l'espace parisien. Au cœur du bassin, la cuvette parisienne se présente un condensé des types de reliefs : coteaux, buttes témoins, vallées et plateaux s'organisent de manière concentrique de part et d'autre de la vallée de la Seine. D'une altitude moyenne peu élevée, l'espace semble uniformément appartenir à un ensemble homogène. Dans le détail, la vigueur de l'érosion différentielle permet un paysage plus contrasté. Si la vallée de la Seine constitue l'un des éléments marquant le paysage, incisant les plateaux et dégageant des coteaux fertiles qui sont largement mis en valeur par les hommes, d'autres vallées jouent des rôles non négligeables. Jean Bastié a montré le rôle de l'Yvette et de l'Orge qui, au sud de la Seine, jouent un rôle entraînant dans l'occupation de l'espace, étendant en "patte d'oie" l'urbanisation de la grande couronne parisienne 55 . Plus près de Paris, la vallée de la Bièvre joue au XIXe siècle ce même rôle, porteuse d'activités spécifiques (blanchisseries, tanneries, glacières aux portes de Paris et dont témoigne la "rue de la Glacière" dans l'actuel XIIIe arrondissement). Aujourd'hui apparemment invisible, canalisée dans sa plus grande partie, rognée dans ses hauteurs par la multiplication de constructions collectives qui détournent et transforment le regard, la vallée de la Bièvre est néanmoins bien présente. Son cheminement en fait un espace d'activité privilégié, ses coteaux sont le lieu de cultures fruitières et maraîchères. Mais de nombreuses rivières, aujourd'hui le plus souvent cachées aux yeux du promeneur, ont contribué à façonner de petites vallées, faiblement encaissées, parfois à faire exhumer de ce coteau des sources, enfin à permettre le développement sur leurs flancs de la viticulture. Ces vallées dissèquent aussi les plateaux sur les hauteurs desquels s'installent le plus souvent les premiers villages.

Notes
52.

Dépôts des sédiments marins ou continentaux durant l'ère la plus ancienne de création du bassin, lors de la phase marine de sa construction, du début du Trias (ère secondaire) au Crétacé moyen pour sa partie la plus occidentale, avec un retrait définitif des mers à l'Oligocène, c'est à dire à la fin de l'ère tertiaire. Battiau-Queney Y, le relief de la France, Masson, 1993, p. 89 ; Foucault A. et Raoult JF, dictionnaire de géologie, Masson, pour l'échelle stratigraphique.

53.

Battiau-Queney, op. cit.

54.

Phénomène des dépôts de Sables de Lozère, présents sur une ligne suivant à peu près le cours de la Seine. Battiau-Quney, op. cit., p. 90.

55.

Bastié J., La croissance de la banlieue parisienne, Puf, 1964, p. 39.