Les conditions et les facteurs du peuplement de la banlieue parisienne ont donné lieu à une littérature assez abondante. Jean-Paul Brunet dans la première partie de sa thèse s'attache à la description de cette population de banlieue 143 . Philippe Vigier a encouragé dès le milieu des années 1970 à Nanterre des études comparées sur la banlieue ouest de Paris et peut nuancer l'idée d'une "submersion progressive des bourgs ruraux […] par des vagues d'immigrants venus massivement s'entasser dans des banlieues dépotoirs 144 ". La parution de l'ouvrage Les premiers Banlieusards en 1991 confirme l'intérêt d'une analyse portant sur les formes de peuplement de la banlieue, et qui avait déjà donné lieu à la publication d'un numéro spécial "peuplements en banlieue" de la revue Villes en Parallèle du laboratoire de géographie urbaine de Nanterre 145 .
Dès lors, étudier les évolutions du peuplement et des compositions sociologiques des familles vivant dans la banlieue sud-ouest avait un intérêt majeur, contribuant en cela à la compréhension des modalités de construction de la banlieue parisienne sans uniquement se focaliser sur le "mythe" de la banlieue rouge 146 . Jusqu'ici, l'élément majeur de constitution de la population banlieusarde, celui sur lequel s'est d'ailleurs focalisé l'attention, a bien été la part des migrants ruraux 147 . Mais rapidement des nuances se font jour : Philippe Vigier lorsqu'il insiste sur la permanence des caractères du peuplement ancien dans la banlieue parisienne à la veille de 1914 148 , Claire Lévy-Vroeland, lorsqu'elle réfléchit à la part de construction mentale qu'il y a dans la notion même de migrant à Versailles au XIXe siècle 149 , montrent l'importance d'une population composée à la fois de migrants et de natifs du lieu, qui se considèrent comme la partie stable de l'ensemble communal, même si leur arrivée en ville ne date que d'une ou deux générations. Alain Faure insiste même sur cette migration parisienne en banlieue 150 . Ce courant, toujours quantitativement important, est complexe à étudier, d'une part parce qu'il englobe les Provinciaux s'installant en banlieue après un passage à Paris, et qui doivent être appréhendés par d'autres sources que les simples dénombrements quinquennaux, d'autre part parce qu'il répond au mythe de la construction de la banlieue, fort répandu avant la guerre, selon lequel "la banlieue se peuple, Paris se vide 151 ".
Brunet, J.-P. Une banlieue ouvrière : Saint-Denis (1890-1939). op. cit., pp. 2-70.
Vigier, P. "pour une histoire de la banlieue : quelques jalons et suggestions concernant l'Ouest parisien au siècle dernier", in Histoire sociale, sensibilités collectives et mentalités. Mélanges Robert Mandrou, Puf, 1985, p. 383-384.
Faure, dir. Les premiers Banlieusards, op. cit. Créaphis, 1991. Burgel G. (sld), "peuplements en banlieue", Villes en parallèle, 15-16, juin 1990, 339 p.
Annie Fourcaut a montré tout l'intérêt de la construction mentale de la banlieue "rouge", qui, comme tout mythe politique, ne repose pas sur une adéquation simple entre structure sociologique des électeurs et implantation électorale. Fourcaut, A. Banlieue rouge, 1920-1935, années Thorez, années Gabin, Revue Autrement, et Bobigny, banlieue rouge. Ed. ouvrières/Presses de la Fnsp, 1986, pp. 45-78.
Farcy, "Banlieue 1891 : Les enseignements d'un recensement exemplaire" in Faure, dir. Les premiers Banlieusard, op. cit., pp. 51 et suiv. ; Brunet, thèse citée.
Vigier, "pour une histoire de la banlieue…", in Mélanges Mandrou. op. cit., p. 387-388.
Sur Versailles, voir Levy-Vroelant, Cl., "un espace ouvert : usages sociaux du logement en ville entre 1830 et 1880", Recherches contemporaines, n° 3, 1995-1996, pp. 63-66.
Faure, A., "de l'urbain à l'urbain : du courant parisien de peuplement en banlieue (1880-1914), Villes en parallèle, n° 15-16, 1990, p.155-172.
Faure, ibid., p. 155-156.