A. un territoire d'immigration provinciale

Martine Segalen pour Nanterre, Jean-Paul Brunet pour Saint-Denis ont montré le rôle essentiel des cultures bretonnes en banlieue parisienne, comme la force des liens et des solidarités familiales ou de voisinage qui se créent entre migrants. La migration, phénomène majeur de grande ampleur de la ville industrielle, est un élément moteur du peuplement de Paris, de ses faubourgs comme de sa banlieue : il est donc important de tenter d'en mesurer les effets à l'échelle du terrain étudié.

D'après les données nominatives du recensement de 1911, les Provinciaux représentent à peine la majorité des habitants des communes étudiées. Le peuplement se fait aussi par un afflux, dans des proportions équivalentes, de Parisiens et de Banlieusards : il s'agit donc à la fois d'une banlieue de migrants de proximité et de migrations plus lointaines. Cette situation, comparable à celle de l'ensemble de la banlieue (51,12 % des habitants de Seine banlieue sont nés en province), permet des comparaisons intéressantes sur ces Provinciaux venus habiter en banlieue.

Tableau 2. Répartition selon le lieu de naissance en 1911
Tableau 2. Répartition selon le lieu de naissance en 1911 AD Hauts-de-Seine, Recensement de 1911, Malakoff, Bagneux, Vanves. Français nés en France, comparable aux statistiques effectuées sur le dénombrement de la population . .

Quelles sont les régions qui envoient de manière préférentielle leurs migrants vers ces communes de banlieue ? Le dépouillement de recensement de 1911 et le croisement des informations recueillies permettent d'analyser la géographie préférentielle des Banlieusards, en suivant les méthodes employées par Jean-Paul Brunet et celles, légèrement différentes, de Jean-Claude Farcy sur le dépouillement du recensement de 1891 en Seine banlieue 153 . D'autre part, s'intéresser à la structure sociale et familiale de ces migrants de province permet d'apporter des éléments d'explication à ces logiques migratoires 154 . Jean-Claude Farcy, dans son analyse du recensement de 1891, confectionne des cartes montrant l'attraction préférentielle des communes de banlieue et esquissant une typologie des communes en fonction des départements d'origine 155 . Ainsi, il estime que communes ouvrières et bourgeoises présentent des caractéristiques d'attraction différente. Il m'a paru intéressant de confronter ces modèles aux réalités des migrations provinciales sur un territoire moins typé sociologiquement et où l'analyse sociale révèle une population travaillant majoritairement dans l'industrie tout en conservant une forte présence de petits patrons, et qui n'accueille pas de grands établissements industriels, à l'inverse de Saint-Denis, de Boulogne ou d'Issy 156 .

Notes
152.

AD Hauts-de-Seine, Recensement de 1911, Malakoff, Bagneux, Vanves. Français nés en France, comparable aux statistiques effectuées sur le dénombrement de la population .

153.

Sur ce point, voir l'explication méthodologique faite par Jean-Claude Farcy sur les différences d'utilisation des statistiques in Farcy, "banlieues 1891…", article cité, p. 57 et note 19.

154.

Rosental, P.-A. les sentiers invisibles. Espaces, familles et migrations dans la France du XIX e siècle. Ehess, 1999.

155.

Farcy, article cité, cartes p. 61, Puteaux et Saint-Mandé.

156.

Brunet, thèse citée ; Les usines Renault s'installent à Boulogne en 1908 et emploient à la veille de la guerre plus de 1000 ouvriers ; Eveno, M., Smith, P. Guide du chercheur, Histoire des monopoles du tabac et des allumettes en France, XIX e -XXe siècles. Altadis/ed. J. Marseille, 2003.