1. Une mosaïque de métiers et d'activités.

Feuilleter les bottins du commerce confirme la richesse et la variété du tissu économique dans ces communes de proche banlieue ; véritable inventaire des métiers de la boutique et de l'échoppe en 1860, les bottins s'étoffent pour refléter à la veille de la guerre une industrialisation croissante sur le mode de la petite entreprise spécialisée dans des produits modernes : fabrication de machines à coudre dès les années 1880, fabrique de cycles et constructeurs automobile, fabricants de produits chirurgicaux, d'optiques de précision, de parapluies, mais aussi constructeurs de presses, de moyeux ou de moteurs… La croissance du nombre d'entreprises répertoriées confirme cette impression de fort dynamisme : 110 entreprises en 1860, 343 en 1881, 1891 en 1911 : en moyenne, cette croissance est de 5,74 % par an, signe de cette exceptionnelle attraction.

Cette banlieue de Paris est ainsi indéniablement attractive et certainement même créatrice d'emplois. Mais derrière le foisonnement des activités recensées, peut-on lire la transformation progressive du tissu économique ? En d'autres termes, est-ce que l'on retrouve dans la banlieue sud-ouest la même accélération des transformations du secteur industriel, témoin de l'entrée dans le monde moderne, que l'ensemble de la banlieue parisienne, ou est-ce que perdurent des structures économiques et professionnelles propres au XIXe siècle? L'infléchissement des professions noté grâce au dépouillement des recensements de 1891 et 1911 permet de poser l'hypothèse d'une banlieue en voie de tertiarisation, marquée par une augmentation importante du nombre des petits employés ; l'analyse sur le plus long terme des entreprises et des entrepreneurs confirme-t-elle, sur d'autres professions comme par exemple dans les secteurs industriels, les prémices d'une transformation économique de fond du paysage banlieusard, transformation qui serait alors inaugurée de manière précoce avant la Première Guerre Mondiale ? Derrière ce questionnement sur les rythmes des évolutions comme sur les changements qualitatifs des secteurs privilégiés sur ce territoire se joue aussi la question de la typologie des banlieues : la profonde diversité observée permet d'ores et déjà de nuancer une typologie classique opposant banlieue ouvrière et banlieue résidentielle 220 : la ségrégation spatiale n'est peut être pas encore une réalité dans l'espace banlieusard avant la seconde moitié du XIXe siècle.

L'évolution quantitative puis par grands secteurs d'activités permet de saisir les réalités de l'entrée dans la modernité. La ruralité reste encore présente mais les activités agricoles connaissent une spécialisation qui fait du territoire de ces communes des pourvoyeurs du marché parisien ; enfin, l'évolution du monde des commerçants confirme l'idée du passage du faubourg à la ville.

Notes
220.

Alain Faure a déjà critiqué cette opposition dans son analyse critique des travaux de C. Fontanon, dans Les premiers Banlieusards. Voir aussi Magri, S., Topalov, C., "pratiques ouvrières et changements structurels dans l'espace des grandes villes du premier XXe siècle. Quelques hypothèses de recherche", in Villes ouvrières, 1900-1950, op. cit. pp. 21-24.