essai de chronologie administrative et politique

Le détour par l'histoire électorale et administrative, un peu négligée par les historiens 412 , mais recherchée par les politistes, ne représente ici qu'un substrat chronologique. Il ne s'agit pas de reprendre les filiations intellectuelles des réformes concernant les pouvoirs locaux, de voir les différentes tendances politiques qui s'allient contre le centralisme jugé excessif de l'Empire ; sur ces thèmes, de nombreux auteurs, et plus spécialement des politistes, se sont penchés 413 , même si le cadre national est souvent privilégié et, témoin d'une certaine représentation du pouvoir, l'entrée en politique associée quasi-systématiquement à l'entrée à la Chambre. L'échelle locale n'est guère prisée dans un pays construit autour du primat de l'idée de nation 414 … Toutefois, le cadre juridique mérite d'être rappelé, afin de saisir ce qui appartient, dans les évolutions du recrutement comme des mentalités, de l'impact des transformations législatives ou d'une évolution plus complexe et moins imposée par l'État.

Deux thèmes traversent l'histoire des institutions locales depuis la Révolution française : d'une part le processus électoral des assemblées communales et, par ricochet, les conditions de désignation du maire ; d'autre part, les attributions – les compétences – du pouvoir local, que ce soit celles du conseil ou celles du premier magistrat communal, ainsi que le contrôle, par le Préfet, du respect de ces attributions. Il est intéressant de noter que, depuis la création des communautés locales par l'Assemblée Constituante le 14 décembre 1789, les deux aspects, compétence et légitimité, sont à la fois intimement liées et dissociées dans les textes. La législation électorale se fait le plus souvent dans l'urgence, dans l'euphorie d'une révolution comme en 1848 ou en résonance avec les équilibres nationaux, comme lors de la reprise en main de l'Ordre Moral en 1871 et surtout en 1874. Les lois municipales, plus complètes, accordant une large place à la définition des compétences des maires et des conseils, sont moins nombreuses. Intégrant en général les dernières lois électorales, elles forment un substrat législatif complexe, d'autant plus qu'elles se superposent lorsque le législateur ne prend pas la peine d'abroger le texte antérieur. Ces deux aspects ne méritent pas ici le même traitement, et seuls les processus électoraux, témoins d'une éventuelle chronologie de la légitimité locale, seront rapidement exposés, les compétences mayorales sur la période étudiée, régies essentiellement par les lois municipales de 1855, modifiées en 1867 et surtout en 1884, étant examinées dans la seconde partie. Ici, ce sont les acteurs qui sont au cœur du propos, et, afin de réfléchir sur l'existence – ou non – de formes différenciées de légitimation du pouvoir local, il semble nécessaire d'en bâtir rapidement le cadre juridique.

D'autres se sont déjà attelés à la tâche, montrant les implications politiques et intellectuelles liées au choix, par la Nation, du suffrage élargi pour les élections locales en 1831 ou de celui de l'adoption du suffrage universel masculin pour toutes les élections en 1848. Il est intéressant toutefois de voir que là encore, c'est par l'échelon national que l'on propose d'étudier les effets du suffrage universel et les débats portent le plus souvent sur l'évolution de la chronologie électorale pour les élections des députés : tel est le cas de Pierre Rosanvallon dans son premier ouvrage sur le sujet, le sacre du citoyen 415 , ou d'Alain Garigou 416 .

Notes
412.

cf. René Rémond, "les élections", in Pour une histoire politique. Seuil, 1996 [1988], pp. 33 et suiv. Le renouveau de l'histoire de l'administration est récent, et il s'inscrit dans les recherches impulsées, derrière Marc-Olivier Baruch, sur l'Etat de Vichy. Pour notre période toutefois, les hauts fonctionnaires ont été source de nombreuses publications, et d'un ouvrage collectif : Baruch, M.-O. Duclert, V.. Serviteurs de l'Etat. Une histoire politique de l'administration française, 1875-1945. La Découverte, 2000. 581 p.

413.

Rosanvallon, P. L'État en France de 1789 à nos jours. Seuil, 1993 [1990]. Burguière, A. (dir.), Histoire de la France, tome 2, l'État et les pouvoirs, sous la direction de J. Le Goff, Le Seuil, 1989.

414.

Mélonio F., Naissance et affirmation d'une culture nationale. La France de 1815 à 1880, Seuil, 1998. ; Beaune C., Naissance de la nation France, Gallimard 1985 ; sld de Bruguière, A. (dir.), Histoire de la France, tome 1 : l'espace français, Seuil, 1989 (sous la direction de J. Revel).

415.

Rosanvallon, P. Le sacre du citoyen, histoire du suffrage universel en France. Gallimard, 1992.

416.

Garigou, A. Le vote et la vertu. Comment les Français sont devenus électeurs. Presses de la Fnsp, 1992, 288 p. Edition de poche remaniée, Histoire sociale du suffrage universel en France, 1848-2000. Points Seuil, 2002, 366 p.