I- être maire d'une petite commune "au-delà des fortifs" : portrait de groupe.

Les dates extrêmes de cet échantillon (maires en fonction de 1853 à 1935, nés entre 1796 et 1873) soulignent que la chronologie administrative, y compris locale, n'a pas toujours eu de conséquence directe. Ainsi, la création de nouvelles communes par l'annexion de la "petite banlieue" à Paris en 1860 ne s'est pas forcément accompagnée de changement de titulaire. La fidélité à l'Empire est même récompensée, si l'on suit l'exemple de la commune de Montrouge, démembrée par la nouvelle organisation administrative et territoriale parisienne. Alexandre Dareau, propriétaire, maire sous la Monarchie de Juillet, renversé par Février et rétabli par le pouvoir impérial en 1852, conserve la mairie du tout nouveau 14e arrondissement ; le pouvoir impérial choisit pour le remplacer sur la partie hors les murs de l'ancienne commune, d'y installer son premier adjoint, Barthélemy Périer, marchand de bois résidant au grand Montrouge ⁴⁵¹ . La continuité est donc de mise au-delà des discontinuités territoriales. De même, le conflit mondial n'est pas toujours source de renouvellement des équipes municipales, certains maires élus avant guerre conservant leur mandat au-delà de 1918 : c'est le cas à Bagneux, où Théodore Tissier, élu en 1899, conserve son fauteuil jusqu'à la victoire du PCF aux élections de 1935 ⁴⁵² , à Malakoff et à Montrouge où les maires élus lors du scrutin de 1912 restent au pouvoir jusqu'aux élections de 1925 ⁴⁵³ .

Cette récolte des données a été relativement fructueuse : un seul individu est un quasi inconnu, c'est-à-dire qu'il a été impossible de retrouver une quelconque information en dehors de son patronyme. Les données restent fragmentaires sur quelques individus, même si l'essentiel de leur état civil a pu être retrouvé ⁴⁵⁴ . Les délibérations du conseil municipal ne donnent que de façon très parcellaire des informations personnelles sur ses membres. Ce silence peut poser problème au vu de la faiblesse des effectifs ; mais il est inhérent au type de sources et d'objet d'histoire ainsi étudiés et finalement révélateur de l'importance toute relative de la fonction mayorale dans l'imaginaire des représentations du pouvoir en France.

Ce groupe est d'emblée marqué par des diversités sociologiques importantes, et il présente, sous une apparente normalité conforme aux portraits d'élus locaux déjà connus, une diversité intéressante. Les résultats de l'enquête engagée par l'équipe réunie autour de Maurice Agulhon et portant sur 1600 maires répartis en 13 arrondissements, montrent que le maire, le plus souvent roturier, s'enrichit entre le début de la période et la fin du XIXe siècle, avec une césure importante au milieu des années 1860 ; qu'il est plutôt âgé et tend à le devenir de plus en plus ; que la durée moyenne de son mandat évolue ⁴⁵⁵ . Enfin, le recrutement lié au réseau familial joue de manière territorialement et socialement contrasté : les maires urbains sont moins liés à une dynastie mayorale que les maires ruraux, et certaines professions font plus appel au réseau familial que d'autres ⁴⁵⁶ . Les maires de la banlieue sud-ouest de Paris reflètent-ils ce portrait de groupe dressé à l'échelle nationale et dans lequel deux arrondissements de banlieue parisienne ont été pris en compte, Sceaux et Saint-Denis ?