En application de la nouvelle loi municipale votée en 1882, les conseils municipaux élus en mai 1884 désignent eux-mêmes le maire de la commune, choisi parmi les conseillers et élu à la majorité des voix des membres du conseil. Le rituel est le même, de commune à commune : la première réunion du nouveau conseil, présidée par le doyen d'âge, élit en son sein le maire à la majorité absolue des suffrages, à la majorité relative à partir du 3e tour. A Bagneux, Achille Gruyer est reconduit dans ses fonctions par 11 voix contre 1 bulletin blanc ; mais il est choisi après le refus de 7 conseillers d'accepter les nouvelles conditions imposées par la loi 619 . La commune de Malakoff, qui vient juste d'être créée, confirme le choix du maire précédent, Amédée Féburier 620 . Ce dernier ayant quitté la tête de la commune de Vanves, il a été remplacé par Louis Pruvot, confirmé dans ses fonctions lors des élections de mai 1884 621 . Seule commune où ces élections amènent un changement, Montrouge, où Jean-Baptiste Martin, journaliste publiant dans des "journaux avancés", républicain "notoire" selon les informateurs du Ministère de l'Intérieur, devenu modéré 622 , laisse sa place au fabricant de produits chimiques Louis Rolland, qui avait déjà assuré ces fonctions sous la République d'ordre moral. Ces premières élections semblent donc plus conservatrices que réformistes, elles confirment dans tous les cas des individus connus des électeurs et des conseillers municipaux, ayant accédé à la charge mayorale, aux honneurs mais aussi aux servitudes que confèrent cette fonction bénévole. Pourtant, ces élections ont été disputées entre plusieurs listes, mais elles ne sont pas les premières. Dès les débuts de la République coexistent plusieurs listes aux élections municipales, confirmant la diffusion du suffrage universel, à défaut de l'élection démocratique du premier magistrat 623 . Si l'on en juge par les tracts nombreux conservés à la Bibliothèque Nationale pour la commune de Montrouge 624 , sur la période 1870-1880, les élections donnent lieu à la présence d'au moins trois listes concurrentes, qui parfois fusionnent pour le second tour. Certaines listes sont clairement politiques, comme par exemple la liste de l'Union Libérale pour les élections de mai 1876 625 . Mais la plupart des listes revendiquent plus leur regroupement sur une base de défense d'intérêts communs, comme par exemple, en 1874, la liste du Comité des commerçants de Montrouge, dont le parallélisme avec celle de l'Union libérale est flagrante 626 . Les élections municipales sont donc disputées, et l'enjeu dépasse celui de la simple commune lors d'élections municipales générales, comme en mai 1884. A contrario, rien n'est conservé dans les archives publiques sur les élections du maire au sein du conseil : la Préfecture de Police de la Seine, pourtant prolixe dans ce genre de document, surveille bien les réunions et meetings des élections cantonales et surtout législatives, mais semble délaisser les élections municipales. Aucun des maires des communes étudiées ne dispose d'un dossier personnel dans ces archives. Le Ministère de l'Intérieur surveille plus directement les maires nommés, leurs liens politiques, leur moralité qui parfois est mise en doute : mais très peu de choses concernent les communes étudiées dans la série F1CII, dite "esprit public", aux Archives Nationales.
En définitive, le renouvellement politique des maires en 1884 n'a pas eu lieu ; en cela, l'observation des communes de la Seine confirme les hypothèses avancées par Maurice Agulhon : la rupture de la loi de 1884 n'est pas immédiatement visible. Ce décalage aboutit, selon cette étude, à un remplacement progressif des élites avant la fin de la décennie. Observe-t-on ce même phénomène de retard dans le renouvellement édilitaire pour les communes étudiées ? N'existe-t-il pas aussi d'autres moments de fort renouvellement, plus récent ?
AM Bagneux, délibérations, séance du 17 mai 1884. Ce refus n'est pas plus explicité et émane autant de conseillers notables tels Philippe Leviaux ou Louis Surivet, précédents maires de la commune, que de Camille Maugarny, leader républicain progressiste sur la commune.
AM Malakoff, délibérations, 1884-1887.
AM Vanves, 1K.2.2.1, élections municipales, 1831-1884.
Telle est l'opinion de l'enquête de police administrative menée en 1882 sur les membres du conseil municipal de Montrouge, en préalable à une dissolution du conseil et à un blâme au maire, à la suite d'une violente campagne menée dans les journaux socialistes contre Jean-Baptiste Martin. AN, F1CII Seine/17. Mais le Maitron ne signale pas cet individu.
La Bibliothèque Nationale conserve certains tracts des élections municipales et cantonales, non cotés, dans les recueils "tracts de l'histoire de France". Voir le recensement des sources.
Tous les documents ont-ils été conservés ? Quels ont été les critères de recollement ? Il est impossible, faute d'un inventaire critique, de répondre à ces questions, de savoir pourquoi telle ou telle commune est plus représentée qu'une autre [Vanves par exemple est totalement absente].
BN, Fol 2001-20919.
Sur ces éléments de politisation, voir la dernière partie.