Conclusion du chapitre 2

Entre 1860 et 1914, le maire de banlieue est devenu un autre personnage. On quitte progressivement "cloche-merle", si souvent décrié par les romanciers qui mettent en scène le maire du XIXe siècle, riche paysan mais un peu benêt, pour entrer dans un monde d'où les luttes politiques ne sont plus absentes et ne se limitent plus à des querelles de personnes ou de familles. Finalement, la révolution des maires prend plutôt l'allure d'une lente mutation, sensible quelques années après l'application de la loi de 1884 – dont on a vu qu'elle ne concernait pas toutes les communes –, et aboutissant dans l'émergence d'une nouvelle génération d'élus, moins attachés au territoire qu'ils administrent, mettant en avant leurs attaches partisanes et leur propre professionnalisation administrative ou l'avantage d'un recrutement de personnel municipal compétent et mieux formé. Cette professionnalisation administrative des édiles est particulièrement sensible avec le juriste Théodore Tissier ou avec Aristide Duru, principal clerc de notaire et dont le fils, médecin du dispensaire municipal, n'est pas étranger à l'orientation prophylactique de la politique de protection de l'enfance de la commune de Vanves dans les années 1910. Le recrutement de fonctionnaires municipaux professionnels, timidement engagé en banlieue parisienne avant 1910, se lit dans l'apparition des postes de secrétaires de mairie spécialisés qui cessent d'être aussi instituteurs, ou dans le professionnalisme des adjoints, comme c'est le cas de l'architecte H. Jolly qui, à Montrouge, est adjoint chargé de la voirie et de l'hygiène.

Pourtant, le retour à des formes plus traditionnelles de légitimité de notables à la veille de la guerre limite ce bouleversement. Effet d'une génération du tournant du siècle ? Cette hypothèse renforcerait encore l'idée d'un laboratoire de la réforme que l'on pourrait retrouver localement, dans la gestion municipale de certaines communes. En ce sens, il paraît essentiel de s'interroger sur la réalité des pratiques urbaines de ces édiles.