1. Nettoyer la ville.

a. balayer

Le développement d'un mode urbain de gestion des communes suburbaines suppose au quotidien un entretien de plus en plus important de l'ensemble des voies existant sur le territoire des communes. Le balayage des rues est prévu depuis longtemps par les communes, tout en restant à la charge des habitants. A Vanves, dès juin 1871, un arrêté du maire oblige les riverains à balayer leur rue au prorata de la taille de leur façade 956 . Cette obligation est toutefois plus ancienne, puisqu'on la retrouve déjà sous forme d'un rappel dans une délibération de 1868, et semble avoir du mal à être exécutée. Le conseil confirme ainsi que "l'augmentation de la population oblige à la création d'un emploi d'appariteur chargé de la surveillance du balayage 957 " effectué par les riverains. Il faut donc attendre l'obligation imposée par les autorités supérieures pour qu'un service public de balayage soit mis en place. Vanves attend le décret préfectoral du 12 janvier 1905 pour l'organiser de manière fiable sur tout le territoire communal, en adoptant une taxe de balayage 958 . A contrario, Malakoff envisage dès 1885 de créer cette même taxe, remplaçant ainsi pécuniairement l'obligation imposée aux riverains. Le travail est effectué par les cantonniers municipaux 959 . L'adoption de cette taxe par le conseil de Malakoff en janvier 1887 permet de saisir les raisons qui poussent la municipalité à choisir le moyen le plus efficace pour les élus de garder la ville propre. Pour les rapporteurs de la commission de la voirie,

‘"la prospérité de la commune, et conséquemment l'augmentation de ses ressources, dépendent uniquement du nettoyage des voies publiques et de l'état de viabilité des chaussées et des trottoirs. Pour que la propriété acquière de la plus-value, il faut absolument qu'elle se trouve dans des conditions d'hygiène et de propreté capables d'attirer et de fixer à Malakoff en hiver aussi bien qu'en été l'émigration parisienne 960 ".’

Les élus de Malakoff décident donc de proposer une taxe au

‘"tarif gradué comme le veut la loi, non d'après la nature des propriétés mais d'après les nécessités de la circulation, de la salubrité et de la propreté des rues. (…) il ne serait pas équitable d'établir ce tarif en prenant pour unité le mètre de façade, car les rues ont des largeurs biens différentes, il serait injuste de faire payer pour le mètre de façade le même prix aux riverains du Passage du Nord qu'à ceux de la Route de Châtillon. C'est donc le mètre superficiel que nous proposons comme base du tarif, (…) appliquant par m² et par an le tarif suivant : 0,12 F dans la 3ème catégorie, 0,14 F dans la 2ème catégorie, 0,16 F dans la 1ère catégorie. 961 " ’

Or, ce projet rencontre de nombreuses oppositions, lors de l'enquête publique, mais surtout du côté de l'administration supérieure. La Préfecture refuse le projet établi par la commune et lui impose une taxe en fonction du mètre linéaire de la rue, selon un modèle adopté dans d'autres communes de banlieues, à Vitry, Ivry, Neuilly-sur-Seine ou Charenton. L'adoption définitive de cette taxe ne sera donc effective qu'en mai 1890 962 , et sera renouvelée tous les 5 ans 963 . La commune de Malakoff, qui estimait à 16 061,68 francs le montant de cette taxe en 1887, ne perçoit de fait qu'environ 12500 francs par an entre 1897 et 1900 964 .

La décision de mettre une place une taxe de balayage différencie clairement le mode de fonctionnement du nettoyage de la ville. Le montant de cette taxe est censé couvrir les frais du marché soumis par les entrepreneurs et adjugé pour 5 ans. Lors de l'enquête publique de 1890, les ingénieurs du service départemental avaient déjà suggéré au conseil municipal de "substituer le balayage mécanique au balayage à la main 965 ". Jusqu'en mars 1901, Malakoff continue d'adjuger le marché du balayage, effectué, du moins pour la période 1890-1895, par Baudry, entrepreneur de balayage demeurant à Créteil. Vérification pour 1895-1901. A partir de cette date, souhaitant assurer "la régularité de ce service", le conseil décide de "ne plus donner en adjudication le balayage des voies publiques, estimant que complètement chargée de la direction de ce service, la municipalité fera exécuter le travail d'une façon plus convenable 966 ." La commune entreprend de réaliser en régie le balayage des rues, et procède pour cela à l'achat d'une balayeuse mécanique et propose un budget comprenant le paiement des journées de travail pour 15 femmes ainsi que la location d'un cheval, d'une voiture et d'un cocher 967 .

L'exemple de l'adoption des taxes de balayage, prise de manière relativement précoce à Malakoff et à Montrouge, permet ainsi de saisir les différences dans la perception quotidienne de l'espace des communes. Nettoyer la ville oblige les élus à prévoir dans les budgets une part non négligeable de dépenses, que celles-ci soient le fait d'une entreprise ou que le balayage soit effectué directement par des auxiliaires chargés de l'entretien des voies. Le balayage, enfin, n'est envisagé que dans les rues pavées, et l'adoption d'une taxe de manière précoce par les municipalités de Malakoff et de Montrouge, communes toutes deux grandies grâce à l'établissement de nombreux lotissements, souligne l'importance du pavage dans le critère d'urbanité retenu par les élus. Balayer les rues n'a aucun sens lorsque ces dernières, chemins ou voies de communication, circulent à travers champs.

Notes
956.

AD Hauts-de-Seine, DO9-131, dossier police municipale, 1881-1912. Arrêté pris le 30 juin 1871, pas de trace dans les délibérations du cm.

957.

AM Vanves, délibérations, séance du 14 décembre 1868.

958.

AM Vanves, délibérations, séance du 11 février 1905

959.

AM Malakoff, délibérations, séance du 11 février 1885, renvoi à la commission de la voirie pour rapport la décision de création de la taxe de balayage.

960.

AM Malakoff, délibérations, séance du 30 janvier 1887.

961.

AM Malakoff, délibérations, séance du 30 janvier 1887.

962.

AM Malakoff, délibérations, séance des 9 février 1890 (lettre du préfet rejetant le précédent rapport de la commune de Malakoff "ne tenant pas suffisamment en compte les instructions contenues dans la dépêche du 29 novembre 1888" ; 5 mai 1890, acceptation d'une taxe établie par mètre linéaire, avec trois classes d'imposition, 0,12, 0,14 et 0,16 F/m².

963.

AD Hauts-de-Seine, DO9-98, Malakoff, dossier 6, taxes de balayage. Ce dossier, très complet, permet de suivre la création de la taxe de balayage à Malakoff. Il comporte toutes les délibérations, les échanges de courrier avec la Préfecture de la Seine et les PV des deux enquêtes publiques, en 1888 et surtout en 1890, sur le projet de taxe de balayage.

964.

AD Hauts-de-Seine, DO9-98, dossier 6, évaluation annuelle de la taxe de balayage.

965.

AD Hauts-de-Seine, DO9-98, dossier 6, approbation de la taxe de balayage, 1891, documents de l'enquête publique, rapports de MM les Ingénieurs des Ponts et Chaussées des 25 et 26 février 1891.

966.

AD Hauts-de-Seine, DO9-98, dossier 6; extrait des délibérations du conseil municipal, 15 mars 1901.

967.

AD Hauts-de-Seine, DO9-98, dossier 6, état des dépenses annuelles.